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Shangols
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8 septembre 2022

Les petites Marguerites (Sedmikrásky) (1966) de Vera Chytilová

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Nous sommes deux soeurs jumelles, nées sous le signe de la tchéco, on aime foutre le bordel, fières d'être des anarchos... Ah, ça fait du bien parfois de retrouver cet état d'esprit libertaire incarné ici avec charme par deux donzelles qui n'ont pas froid aux yeux. A l'image d'une Anna Karina qui susurrait un "Qu'est-ce que je peux faire, j'sais pas quoi faire", nos deux petites pestes sympathiques (une blondinette pimpante et une brunette à la moue "dallienne" - euh, Béatrice, bien sûr...) vont décider de foutre un peu le bazar dans cette société tchèque bourgeoise. Après avoir dévoré les pommes vertes du péché, on va les suivre dans leurs exploits : au restaurant, elles se moquent outrageusement des sugar daddy qui les accompagnent, dévorant des choux à la crème qui explosent à la tronche de ces vieux (pas) beaux avant de les lourder en se fendant la pipe dans un train, dans les dancing où elles n'ont de cesse de faire les clowns et d'attirer l'attention par leur gaminerie, n'hésitant point à piquer un verre de vin aux tables alentours avant de se faire virer manu militari... Bref tout est bon pour choquer le bourgeois jusqu'à cette scène finale (bon, il y a un petit coup de mou en route, reconnaissons-le) digne de La Grande Bouffe, dans ses excès et son gaspillage provocateur, où elles vont foutre en vrac tout un buffet préparé pour un immense banquet.

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Le reste du temps, elles le passent ensemble à tenter de se distraire, à l'image de cette bien jolie séquence qu'elles passent à découper tout ce qui tombe sous leurs mains, même elles-même. "Bien jolie", disais-je, tant le film, esthétiquement parlant, est une véritable explosion de couleurs, Chytilova jouant constamment des filtres colorés entre deux passages au noir et blanc, réalisant de véritables "collages d'images" originaux, s'amusant à faire péter toutes les teintes de l'arc-en-ciel jusque dans les tenues de ses deux nymphettes troublantes : les deux jeunes filles en fleur, à la plastique de poupées de cire, se découvrent plus d'une fois d'un fil, à l'image de cette scène où l'une d'elle cache ses jolies fesses sous un tableau de papillons épinglés (qui nous font irrémédiablement penser à cette société tchèque terriblement statique et "interdite" devant une telle jeunesse incontrôlable). Elles ont beau chercher à la fin à, gentiment, tout remettre en ordre (les morceaux cassés lors du banquet qu'elles remettent en place sur la table, caustiques les donzelles), leur attitude féministo-anarchique fut un tel pavé dans la mare qu'on se marre devant cette petite soumission pour la forme. Le film a été immédiatement interdit en Tchécoslovaquie, ce qui traduit, définitely, un léger manque de tolérance et d'humour à l'époque... Mais il est encore temps de cueillir avec gourmandise ces délicieuses petites marguerites cinématographiques.    (Shang - 15/12/09)

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Ode à l'anarchie, à l'élan punk, à la destruction, Les Petites Marguerites est effectivement un beau foutoir, le genre d'objet que n'aurait pas renié le Godard des années 60, un collage d’images et de sons qu'on dirait parfois joints au hasard. En ces temps de révolution mondiale, Vera Chytilová réunit deux genres antagonistes : la comédie agaçante de filles en goguettes et le dazibao trotskyste, le magazine de mode féminin et l'objet cinématographique radical, la pulsion de vie et la pulsion de mort. La vieille société de papa s'effondre, celle de la jeunesse décérébrée arrive, et que ça nous plaise ou non, ce souffle nouveau est là pour s’installer durablement. La réalisatrice choisit une option très pertinente pour clamer son anarchie sans trop faire d'esclandre : la clamer dans un univers pop, issu de la mode, de la pub, de la musique, de l'architecture pétillantes de l'époque. Le film est presque yé-yé, on a souvent l'impression de voir un vieux scopitone de Nino Ferrer ou de Dutronc, mais baignant dans une sauce féministe qui t'emmerde bien fort. Elles sont vicieuses, ces filles, sous leurs dehors d'anges de candeur, et elles n'aiment rien tant que découper les rideaux et foutre en l'air la vaisselle, frustrer les vieux qui les draguent et rigoler comme des bécasses ; mais elles sont libres, allant toujours très exactement là où la morale essaye de ne pas les faire aller. Alors oui, c'est épuisant, on a envie de leur retourner des calottes, mais Chytilová et ses actrices imposent avec force leur présence dans le paysage compassé de la Tchéquie de l'époque, et rien que pour ça... Le film est parfois un peu chiant tant il met son point d'honneur à surprendre, à éviter les passages obligés, et c'est vrai qu'il y a un tunnel au milieu. Mais le reste est d'une telle joie, d'une telle frénésie, est empreint d'une telle douce folie, qu'on ne peut plonger tête baissée dans ce bon gros délire pop tout à fait rafraîchissant.   (Gols - 08/09/22)

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