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3 septembre 2022

Trash de Paul Morrissey - 1970

trash-paul-morrissey-film-05

Nouvelle provocation en provenance de l'écurie-Warhol, Trash est un film étrange, dérangeant, frontal, une sorte de prolongement en noir du déjà ambigu Flesh, réalisé par le même Paul Morrissey. Celui-ci, malgré son aspect trashouille, exaltait en quelque sorte les corps, celui de Joe Dallessandro surtout, filmé pratiquement comme un Dieu grec ; cette fausse suite plongera au contraire les mêmes corps dans la déchéance et montrera les limites de l'hédonisme à tout prix. Notre ami Dallessandro, amaigri, hagard, livide, campe ici avec une authenticité douteuse (...) un drogué à l'héroïne, ne vivant que dans l'attente de sa prochaine dose, totalement passif face à la vie et aux événements qui surviennent autour de lui, et également à sa petite amie (Holly Woodlawn, warholienne en diable) qui, malgré moult encouragements buccaux et force strip-teases, ne parvient pas à la faire bander. Car le beau mâle est devenu impuissant ; le film passera son temps à lui proposer des injonctions sexuelles diverses et variées (échangisme, voyeurisme, copulation en groupes ou de femme enceinte), rien n'y fera, le membre de l'icône sexuelle de jadis restera flasque. L'humour tordu de Trash consistera à montrer sa passivité et son indifférence au monde hyper-sexuel qui l'entoure, et par là à prouver que la drogue, on a beau dire, c'est mal.

Trash4

Pour appuyer cette thèse (un brin faux-cul, voir le jeu des acteurs, visiblement tous bien allumés) des méfaits de la drogue, Morrissey choisit le filmage le plus cru qui soit : image granuleuse, absence totale de glamour ou de spectacle, scénario décousu, aspect documentaire des scènes de shoot. Il est vrai que quand on regarde longuement les aiguilles s'enfoncer dans les veines du héros, on a moins envie d'en consommer, et que quand on voit les effets de l'héroïne sur la sexualité de notre homme, on préfère rester safe. Le film démarre très frontalement par un plan sur une paire de fesses et sur une fellation, mais qu'on ne s'y trompe pas : même s'il est question du début à la fin de désir, le sexe sera triste jusqu'au bout. Par contre la frustration sera le maître-mot du film : plaintives et fatigantes, les créatures féminines (ou "mi-féminines") qui traversent l'existence de Joe sont en demande dévorante d'amour et de désir, ce à quoi le garçon leur oppose son regard (impa)vide. Et même quand il décide (pour combien de temps ?) de se sevrer et d'avoir une vie normale, c'est pour se heurter aux duretés de la vie, sous la forme d'un représentant des services sociaux avide et trivial. La chair est triste et n'est souvent qu'un réceptacle aux aiguilles ou à d'autres sortes d'objets contondants destinés à fournir de vagues plaisirs éphémères (une scène de bouteille utilisée comme un gode qui fait mal pour son utilisatrice). Le corps, en fait, est devenu inutile, dé-sexué, désérotisé, pour ne plus être qu'une vague présence ; et dans la société hyper-sexuée du début des années 70, le constat est dur à avaler. Morrissey réalise donc un film déprimé, même s'il garde un côté très drôle tant l'apathie de Dalessandro est en porte-à-faux avec ces femmes hystériques ou nymphomanes qui l'entourent, un film qui renvoie tout à la décharge (la récurrence du thème des ordures), un film qui ne se donne même plus la peine de faire du cinéma dans le sens traditionnel du terme un film qui envoie tout (montage, filmage, scénario, jeu d’acteurs, identités des personnages) se faire cuire le cul. Un vrai film de punk finalement, qui brandirait le No Future en drapeau.

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