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2 septembre 2022

Retour à la Vie d'André Cayatte, Henri-Georges Clouzot, Jean Dréville & Georges Lampin - 1949

Sans titre

Un bon vieux film à sketches spécial Libération Française, il fallait bien convoquer l'intelligentsia des réalisateurs français pour le faire. On a un peu oublié d'appeler ceux qui ont fui le nazisme, mais ok, Clouzot (bien), Cayatte (mouais), Dréville (aïe) et Lampin (qui ? Lampin. Qui ?), sont suffisamment professionnels pour remplir le cahier des charges. Voici donc 5 sketches ayant pour point commun le retour au pays d'un prisonnier, d'un soldat, d'un déporté, et le souvent triste bilan qui s'ensuit. Le pays est divisé et appauvri, chacun tente de faire croire à sa résistance à l'ennemi quand beaucoup ont été bien cordiaux avec les frigolins, les petites tares des uns et des autres explosent à la faveur du retour de ces pauvres hères, c'est pas la fête. D'où l'impression d'ensemble très noire (normal quand Clouzot rôde dans les coins), malgré les petites pointes de comédie (la partie Lampin) : on est dans le règlement de compte entre Français, et ça charcle.

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Le premier film, celui de Cayatte, bénéficie de la présence de Bernard Blier, absolument remarquable dès qu'il s'agit de jouer les pleutres, les lâches, les cupides. Il est assez génial de suavité pour convaincre une tante qui revient de Dachau complètement exsangue de signer le papelard de l'héritage. La réunion de famille qui précède la rencontre avec la déportée vaut son pesant, chacun exhibant sa lâcheté et son insensibilité avec de moins en moins de scrupule. Tout en contrastes, en silence et en grandes ombres mortifères, l'entrevue avec la dame est joliment mise en scène, avec de subtils travellings et une façon de filmer ce corps décharné sans le filmer, et la conclusion, qui sent tout de même la bonne idée de Grand Auteur (Charles Spaak aux manettes), vous laisse pantois de cruauté. Une entrée en matière qui annonce la couleur d'ensemble : on n'est pas là pour rigoler.

C'est ce que tente Lampin pourtant : nous amuser avec sa petite histoire croquignolette de barman de retour de guerre. Mais dès le départ le projet s'effondre : humour poussif et légèrement phallocrate, bonne idée de départ gâchée par un script niais, mise en scène dans les choux, on a mal pour ce brave François Perrier, en charge de ce personnage d'ersatz de Jerry Lewis pris dans un milieu de femmes qui le pourchassent sans limites de leurs avances.

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On rentre ensuite dans le dur avec la partie la plus amère et désabusée du programme : le film de Clouzot est à son image, cruelle, pessimiste, méchante. L'immense Louis Jouvet, toujours aussi impressionnant de méthode, incarne un misanthrope revenu de la guerre amoché physiquement et moralement : il déteste le genre humain. C'est alors qu'il doit cacher et soigner un homme poursuivi par les flics... qui va s'avérer être un bourreau nazi responsables d'actes ignobles durant la guerre. Peut-on pardonner à ceux qui nous ont offensés au nom de l'Humanité ? Que dalle, répond Clouzot, qui dénoue ce drame violent dans la noirceur la plus totale. Le visage grimaçant de Jouvet qui sort de l'obscurité de son petit appartement, vociférant ses imprécations contre tous et toutes, sa morale radicale, sa dureté, sont finalement aussi effrayants que cet officier allemand mourant sous ses menaces. Fulgurant, ce film à lui seul justifie la vision de l'ensemble.

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Retour à la légèreté avec un film pourtant tout aussi grinçant de Dréville, qui cherche à prouver que qui part à la chasse a tendance à perdre sa place. Un brave troufion, sacré 1500000ème soldat à rentrer au pays (la cérémonie organisée à l'occasion est presque chabrolienne), découvre que toute son existence a été gommée pendant son absence : sa femme est partie, son appartement est squatté par une famille de réfugiés, bref c'est l'affront. Fataliste et débonnaire, notre homme (délicieux Noël-Noël, tout en nigauderie gentille) fait avec, navigue à vue dans la misère, et finit par trouver la plus raisonnable des solutions, dans une chute assez cynique et marrante. Bon, c'est clair qu'on est dans le bon vieux cinéma de papa, mais ce sketch est amusant.

Moins content du dernier sketch, dirigé par le même Dréville, et qui voit un soldat revenir de son camp de prisonniers allemand avec une nouvelle femme. Super, direz-vous, mais non : la belle est teutonne, et dans ce petit village encore fragilisé par les conflits, ça ne passe pas. La communauté n'aura de cesse d'adresser à Louis (Serge Reggiani, un peu en-dessous) force menaces, moult quolibets et autant d'humiliations, notre homme n'en démord pas, et impose contre tous son épouse au foyer. C'est un mélodrame écrit au plus vite, très très classique, sans surprise, sur un thème rebattu et traité sans personnalité. Bon c'est mauvais, et ne seraient quelques seconds rôles plutôt pas mal, on quitterait ce film inégal avant l'heure.

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