LIVRE : Pornographia de Jean-Baptiste Del Amo - 2013

Pas à dire, ce Del Amo est un adepte du beau verbe, du bon mot ; le récit, ici, plus que l'histoire (on est plus dans la "retranscription d'une atmosphère" que dans des mésaventures narratives) se concentre autour d'un ghetto, une ville pauvre d'Amérique du Sud, dirait-on sans chercher à préciser laquelle, où la prostitution bat son plein. Del Amo, jamais avare du mot juste, nous fait pénétrer (c'est le mot) dans cet univers glauquissime où les éjaculations de toute sorte souillent toutes les pages... Il est question de fluides (collants), d'odeurs (âcres), d'un monde où le sexe omniprésent gangrène hommes, femmes et enfants... Le narrateur nous enfonce avec lui dans cette fange, en évoquant gitons et prostiputes, généralement mineurs... Des trajectoires qui sentent la poisse, le foutre, l'haleine rance et les champignons... Si ce monde est d'une noirceur terrible, à l'image de ce cadavre que l'on retrouve ici ou là dans diverses phases de décomposition (un type avec deux trous dans le ventre qui finit comme une véritable charogne - tout Rimbaud et Baudelaire dans un seul homme, mort), l'écriture ultra précise de Del Amo, à défaut de donner une grandeur à ce monde misérable, donne une certaine poésie (anti-romantique) à cet univers scabreux et scrofuleux... Si l'on fait la grimace plus souvent qu'à son tour devant ces corps traités comme de la chair à foutre, si l'on se pince les lèvres et le nez devant ces quartiers de misère qui sentent le sperme et la pisse, on découvre également par le biais de cette écriture au couteau, précise, tout un côté sombre de l'humanité qui possède ses propres codes et sa propre "esthétique" morbide - un désir de partir à vau l'eau, un monde où la crasse et la jouissance se côtoient pour le pire. Eprouvant, terrible mais délicieusement écrit par un Del Amo toujours soucieux de traduire en mots les sensations les plus terribles, les plus désespérées. Tout se délite et part en couilles dans ce Pornographia sauf la littérature.