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2 avril 2021

LIVRE : La Position du Mort flottant (Dead Man's Float) de Jim Harrison - 2016

9782889550456,0-7165222Même 5 ans après son triste trépas, il semblerait que Jim Harrison ait encore des choses à dire, puisque voici un recueil de courts textes inédits qui nous tombent sur le râble façon petit bonheur. On hésite à appeler poèmes ces bribes de fiction, ces petits bouts de réflexion, ces brefs instants de contemplation, mais c'est peut-être après tout comme ça qu'il faudrait les prendre : comme des sortes de haïkus très personnels, très américains, très attachés à ce brave ogre que fut le bon Jim. Il est question là-dedans des dernières joies d'un homme mourant, des dernières douleurs aussi, et surtout de l'ultime témoignage de l'amour irrépressible de la vie dans tous ses aspects. Harrison aura été vivant jusqu'au bout, pour paraphraser Miller : grincheux, plaintif, nostalgique, bougon, mais aussi d'une tendresse bouleversante envers l'existence, d'un amour immodéré pour les animaux (et en particulier les oiseaux, qui sont le sujet principal de la plupart des poèmes rassemblés ici), d'une sensibilité totale vis-à-vis du cycle des saisons, de la nature, des chiens, des arbres, de la poésie, de tout ce qu'il contemple pour la dernière fois avant de passer l'arme à gauche. Car on sent le gars parfaitement conscient qu'il livre là son dernier souffle ; qu'il soit si modeste, si retiré bouleverse de la part d'un auteur qui ne s'est pas privé jadis d'être emporté et lyrique, bavard et paillard. La flamme presque éteinte, Harrison relève avec la simplicité de l'enfance les minuscules détails de la vie qui bat autour de lui, mêlant à ses visions naturalistes des souvenirs du passé ou des brusques retours douloureux au présent. Tour à tout fragile et tonitruant, il nous offre le portrait d'un homme en fin de vie qui ne lâche rien de ce qui fait la beauté du monde qu'il quitte, même si de temps en temps le découragement le gagne. C'est très beau de voir ainsi le temps opérer une sorte de boucle, voir le vieillard retourner à la simplicité de l'enfance, et accueillir la fuite du temps en pleine conscience. En tout cas, ses poèmes de mort sont d'une fulgurante beauté (traduits il est vrai à merveille par l'immarcescible Brice Matthieussent, et magnifiquement édités par les éditions Héros-Limite) et nous montre un vieux briscard pas si cow-boy qu'il a bien voulu nous le faire croire toute sa vie : sa sensibilité à fleur de peau, son regard d'une incroyable douceur sur les animaux et ses plaintes de chiot nous montrent cette fois un écrivain à nu, démuni physiquement, mais encore pleinement conscient de ce qui l'entoure, et en pleine possession de son art. Il sera gravé dans le marbre que les tout derniers mots de Harrison auront été : "Assis au bord, j'agite les pieds au-dessus de / l'abysse. Cette nuit, la lune sera sur mes genoux. / Étudier l'univers depuis mon pont, / voici ma tâche. J'ai le ciel, la mer, la mince / bande verte de la forêt canadienne sur la rive lointaine."... Peut-on rêver manière plus élégante de tirer sa révérence ?

Commentaires
S
Incroyable, j'ai découvert l'existence de ce livre il y a exactement trois heures.Titre absolument parfait (c'est apparemment la position que prennent les nageurs "longue distance" pour reprendre haleine), un One Eyed Jim dernière mouture, sobre et puissant, et puis oui cette toujours superbe petite maison d'édition suisse.<br /> <br /> <br /> <br /> Me revient une anecdote qu'Harisson avait raconté à la télé française. Aux abords de sa cabane de montagne, où il passait la moitié de l'année, il avait assisté aux agonies synchrones d'un serpent s'étouffant avec sa proie - un petit rongeur -, les deux bestioles plongeant leurs regards moribonds dans le sien.<br /> <br /> Ce livre c'est un peu notre poète à la place du petit rongeur, et avec grand courage un stylo à la main.
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