Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
23 novembre 2020

Le Mandat (Mandabi) (1968) de Ousmane Sembene

vlcsnap-2020-11-23-19h36m12s555

Voilà longtemps, si je ne m'abuse, que nous n'étions point allés en terre africaine : il est toujours bon de retrouver le ton relativement caustique de ce cher Ousmane Sembene qui nous livre ici une sorte de petit conte moral où l'aubaine tombée du ciel se transforme en véritable calvaire. Ibrahim Dieng a deux femmes, une poignée d'enfants et est au chômage depuis quatre ans ; c'est forcément une bonne nouvelle lorsque son neveu lui envoie un mandat de 25 000 boules... Oui, certes, au début, on s'emballe un peu, les femmes font des frais en préparant un repas digne de ce nom, elles parlent aussi surement un peu trop à droite à gauche ce qui a le don d'ameuter les troupes des profiteurs à la petite semaine, et puis, il ne faudrait surtout pas oublier qu'une partie de cet argent doit être mise de côté pour sa sœur, la mère de ce balayeur qui a réussi à mettre quelques sous de côté en métropole... Mais bon, rien d'alarmant puisque de toute façon, cette thune, hein, elle est à portée de main... Seulement voilà, notre homme va rapidement se rendre compte qu'il y a, administrativement (la France, ce rôle si civilisateur), quelques petits problèmes à régler : pour retirer un mandat, il faut une pièce d'identité... pour avoir une pièce d'identité, il faut un acte naissance... pour avoir un acte de naissance, il est mal venu d'être né "autour" de 1900... et puis il faut des photos... C'est un véritable parcours du combattant, qui entraîne des frais, qui entraîne des dettes, sans parler de tous ces branleurs qui défilent à la maison pour profiter de cette "manne en attente", ou encore (et ils sont surement plus dangereux) de ces types super sapés qui, pour une photo, un chèque, ou une procuration t'embrouillent ta mère. Bref, ce putain de mandat va mener notre pauvre Ibrahim de Charybde en Scylla...

vlcsnap-2020-11-23-19h36m41s017

vlcsnap-2020-11-23-19h37m35s127

Sembene sait en deux plans nous mettre dans l'ambiance d'un endroit (cette baraque au milieu des rues en sable, ce monde virevoltant de Dakar) et en deux coups de cuillère à pots camper des personnages du cru : un Ibrahim ultra assisté par ses deux femmes (la base), un imam opportuniste en diable, de lointains cousins qui ont le bon timing pour crever la dalle à ce moment-là, des mendiantes un rien abusives, des arnaqueurs bourrés jusqu'au nœud de la cravate de belles paroles... C'est un monde grouillant, malhonnête, constamment aux aguets qui va tenter de saisir la moindre occasion pour se refaire la cerise sur le dos de notre gentil et un peu trop crédule Ibrahim. Au début, on sourit devant ses mésaventures, mais le ton, chemin faisant, se durcit : notre homme, pris à la gorge, commence à réagir, se débat, se prend des mornifles avant de tomber dans les griffes du nec plus ultra de l'embrouilleur (comme s'il n'avait pas encore assez morflé pour être sur ses gardes...). Sembene filme à hauteur d'homme ces petites saynètes de la vie quotidienne (de la poste à la bonne vieille administration en passant par les banques et les petits boui-bouis en tout genre (épicerie de proximité, photographe...). Notre homme, honnête comme Job, s'enfonce, se débat, s'enlise, et on a un peu pitié pour notre anti-héros qui fait la douloureuse expérience suivante : l'honnêteté ne paie pas... Un petit film très bien mené où l'on passe de l'illusion au cauchemar, une œuvre africaine grouillante de vie qui démontre avec brio et une ironie mordante les petites misères des gens de peu. 

vlcsnap-2020-11-23-19h37m58s273

Commentaires
Derniers commentaires