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28 août 2020

LIVRE : Broadway de Fabrice Caro - 2020

9782072907210,0-6772912Enfer et damnation ! J'ai le plus grand respect pour le grand Fabcaro... mais je préfère définitivement l'auteur de BD au romancier. Désolé par avance s'il tombe sur ces lignes, mais je dois à nos millions de lecteurs la vérité toute crue : Broadway est très moyen. On peut même se demander ce qui arrive à Gallimard de publier ce genre de gadget, qui est à la littérature défendue par la maison ce que M Pokora est à la musique rock, si ce n'est pour de bas calculs économiques bien pratiques (Fabcaro est l'auteur de Zaï zaï zaï zaï, un énorme carton en BD). On imagine mal l'éditeur se contenter du pitch du bouquin : un quadragénaire reçoit une lettre de convocation à un test de dépistage du cancer colo-rectal. Et ? non, rien c'est tout. Le souci, c'est vrai, c'est que le gars en question est un hypocondriaque extrême, et que cette lettre va déclencher des affres en son for intérieur, d'autant que les emmerdes s'accumulent autour de lui : son fils a pondu un dessin porno sur ses profs et il va falloir qu'il lui parle d'homme à homme ; sa femme l'emmerde ; et il est invité à un stage de paddle par son voisin, définition de l'enfer pour cet inadapté total. Voilà. Caro tient 200 pages là-dessus, ne prévoyant pas vraiment de plan pour ce qu'il a à en dire, ne ménageant aucune progression à son histoire, traitant les règles de la narration et même l'écriture en dilettante. Son truc, ce qui fait tenir quand même le livre, c'est l'humour, et le bougre, c'est vrai, en est sérieusement doté. Broadway est souvent drôle, très drôle même, et tout homme légèrement déprimé d'aujourd'hui devrait se reconnaître sans problème dans la misanthropie retenue de ce gars, dans son incapacité à dire non, dans sa volonté "d'en être" malgré tout, dans son impossibilité de s'inclure dans une société qui prône l'entente entre voisins, les bienfaits du sport, la suprématie des graines de quinoa sur la bière tiède, et l'étouffement progressif de ses passions adolescentes.

Tout ça aurait été du meilleur effet en one-man-show, genre spectacle intitulé "Angoisses et misères de l'apéro entre voisins". Le texte a d'ailleurs tout d'un truc destiné à l'oral, avec ce que ça comporte d'à-peu-près stylistiques. Mais tel quel, on se questionne sur la viabilité du truc. Même si on se marre souvent, on remarque d'abord que Caro recycle très souvent son vivier d'une dizaine de gags pour nous les refourguer sous différentes formes au cours du roman. Au bout d'un moment, ça fatigue de le voir revenir sans arrêt sur les mêmes trucs (le type qui imite le loup dans un tunnel, la couleur de l'enveloppe contenant la fatale lettre, le dessin porno du gosse, etc.), et on se dit qu'il ne s'est peut-être pas trop foulé sur le coup. Et puis, c'est désolant mais le livre n'avance pas, comme s'il avait déjà tout dit dans les 10 premières pages, et qu'il se contentait ensuite de broder dessus. Aucune finalité, aucune progression ni dans la trame ni dans le personnage, ça stagne méchamment. Comme ce n'est pas écrit particulièrement bien, avec cette ponctuation hésitante, avec ce langage parlé un peu facile, avec ce manque total d'ambition (qui, visiblement, est une qualité, si on en croit les critiques : "Un livre sans prétention"), on finit par avoir une méchante dent contre le personnage, trop asocial, trop loser, trop irresponsable, un peu comme ces adultes mal grandis qui portent des tee-shirts "Punk not dead" à 70 ans. Heureusement qu'on a bien rigolé à certaines pages ; sinon, le livre aurait été franchement désolant. Un roman qui table sur le capital sympathie de son auteur, mais insignifiant et bâclé. Fabcaro est définitivement meilleur dans la forme très courte que dans le roman.

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