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16 octobre 2018

LIVRE : Le Discours de Fabrice Caro - 2018

Le_DiscoursQui osera m'enlever des mains les BD imparables de Fabcaro, dont l'humour m'est aussi nécessaire que le pain et le pastis ? Qui ? Bien, je vois que personne ne bronche, et tant mieux, car il m'aurait fallu développer sur l'humour unique que le bon garçon a su mettre en place, mélange d'absurde anglais, de références générationnelles et d'une bonne dose d'ironie néo-punk carrément jouissive. Fort de cet amour, je me suis penché vers ce roman, deuxième de cet auteur après le plaisant Figurec, puisque c'est bien de la littérature pure que le gars voulait faire sa carrière au départ. Autant le dire : Le Discours est décevant. Trop vite écrit, flou dans son objectif, n'allant jamais au bout de ses intentions, il s'agit d'une récréation, certes poilante, mais qui n'apportera rien ni à la littérature ni à la carrière épatante du gars. On dirait presque un de ces "stand-up" qu'on voit beaucoup aujourd'hui, marrant certes mais oubliable, un qui repose sur nos petits travers dans lesquels on se reconnaît tous. On rigole gentiment de voir ainsi un miroir tendu vers nos petites maladresses et nos grosses phobies, et puis on quitte la salle et on oublie.

Adrien, quarantenaire déprimé, se voit coincé dans un repas familial, ce qui est déjà un cauchemar. Mais l'enfer devient encore plus visible quand son futur beau-frère lui enjoint d'écrire un discours pour le mariage de sa soeur à venir, d'autant que l'esprit d'Adrien est complètement obsédé par un sms qu'il a envoyé à son ex, qu'elle a lu, mais auquel elle ne répond pas. La traversée d'une journée infernale où on apprend à connaître Adrien, personnage bourré de complexes, de tics, de phobies, de manies, de hantises et de pulsions refoulées, qu'il cache sous une gentillesse qui confine à l'autisme. Le hiatus est fort entre ce qu'il montre à sa famille et ce qu'on découvre en pénétrant ici dans son petit monde de loser ordinaire. Bien sûr, on se reconnaît parfaitement dans ces travers rigolos, quand le mec est tellement maladroit qu'il finit par offrir à ses parents un porte-serviettes en forme de bite, quand il se cache dans les chiottes pour changer un point de ponctuation au texto qu'il espère fatal, quand il est trop poli pour ne pas cracher le chocolat "avec un truc blanc à l'intérieur" que personne ne veut, quand il accepte la collection d'encyclopédies que sa soeur lui offre à tous les Noëls par facilité, quand il vomit sur les genoux du gars qui l'a pris en stop, etc. Caro a le don pour observer le quotidien le plus banal et en tirer le détail imparable, familier et en même temps absurde, et son roman est franchement très drôle. Mais on devine vite les limites de cette volonté de tout rendre petit et dérisoire : le livre lui-même en devient innocent. Caro, sûrement en l'absence de plan précis, laisse en friche nombre d'idées, ne va pas au bout même de son titre (le discours de mariage ne se fait pas, et est vite oublié), et avance à l'aveugle, à coups de petits gags à petite portée. Il abuse par ailleurs du système qui consiste à faire revenir quelques détails à intervalles réguliers, effet comique qui, répété à l'envi, finit par s'user. Le livre aurait pu, avec plus d'ambition, être le portrait d'une génération de bobos dépressifs engoncé dans un quotidien désespérant. Mais Caro est trop modeste pour ça ; lui, il veut amuser, et tant pis si son roman a une puissance de tir de 3 jours. On le croirait presque prêt à s'excuser à chaque page d'être trop sérieux, trop déprimé, trop normal, et cet humour à tout prix semble cacher quelques fêlures que l'auteur ne reconnaît jamais. Un peu comme ces types qui vannent sans arrêt, sans savoir s'arrêter, pour ne pas s'avouer qu'ils sont malheureux. Le Discours est un autoportait un peu gênant dans le masochisme, qui cherche la complicité dans son lecteur, un appel à l'amour qui se donne des airs de gag. C'est touchant, mais c'est bien trop petit bras pour complètement nous conquérir. On se contentera donc de bien se marrer, ce qui est déjà énorme, et de relire les BD du gars, autrement plus percutantes.

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