LIVRE : La Tempête qui vient (This Storm) de James Ellroy - 2019
On retrouve le gars Ellroy en forme pour nous trousser le dessous des affaires policières de Los Angeles dans l’après Pearl Harbour. Il est ici question de flicailles, bien sûr, d’âmes corrompues, extrémistes, pourris mais aussi de chevaliers blancs (plus ou moins alcoolisés et amoureux de femmes fatales) se battant pour faire éclater la vérité. Cette tempête qui menace, elle est due en grande partie au rapprochement caché, au pacte secret, entre sombres personnages d’extrême-droite et d’ultra-gauche : ces radicaux se serrent les coudes en prévision de l’après-guerre et montent toute une machinerie autour des réserves d’or… Ellroy évoque également le sort des Japonais pourchassés, des Mexicains exploités et des Chinois influents (l’opium et ses douces vapeurs). Bref, c’est du Ellroy pur jus, foisonnant, écrit comme toujours à l’efficacité, à l’aide de courtes phrases factuelles. On retiendra notamment dans ce second tome du second quatuor de Los Angeles (oui, moi aussi j’ai mis un temps à comprendre la chose) des personnages de flics (trois en particulier) hauts en couleurs (du plus véreux au plus désespérément amoureux), des femmes fatales (la rousse et la brune qui attirent dans leur filet la plupart des hommes : tellement fatales d’ailleurs, qu’elles peuvent se révéer fatales à elles-mêmes) et une figure japonaise écartelée entre son amour pour un flic ignoble et sa conscience professionnelle ; ce médecin légiste est un peu celui qui personnifie le mieux l’atmosphère du bouquins : entre enquêtes finaudes et craquage individuel, il est à l’image de cette époque où tous les pires coups fourrés étaient permis (des coups fourrés que l’on ne pouvait démanteler qu’en étant bougrement malin) ; seulement dès lors qu’on y fourrait soi-même un doigt, on risquait d’y perdre son latin, ses repères, son âme, sa vie. Une bonne pavasse qui malgré quelques redites un peu trop systématiques sur l’évolution des diverses enquêtes (on sent le besoin d’Ellroy de ne pas perdre son lecteur en route) vous plonge avec bonheur dans l’esprit foldingue de toute une époque et dans les multiples tempêtes se jouant dans des crânes mis à rude épreuve. Ce second quatuor (pas encore lu d’ailleurs le premier tome, Perfidia), parfaitement noir et humide, s’annonce de haute volée.