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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 mars 2019

Ni Juge, ni soumise de Jean Libon & Yves Hinant - 2018

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Un Strip-Tease puissance 10, voilà ce que nous propose le brave Jean Libon avec ce portrait drolatique d'une juge d'instruction bruxelloise dans l'exercice de ses ardues fonctions. Si vous aimez le genre foutraque et honteusement de mauvaise foi de la série télé, vous adorerez regarder ce personnage haut en couleurs, au verbe haut, sachant parsemer dans sa profession souvent difficile humour et humanité, méritant parfois de solides baffes pour faire taire ses formules à l'emporte-pièce et parfois des salves d'applaudissements pour son secouage de cocotier de cet austère métier. Les gusses ont trouvé dans la dame le personnage idéal pour leur ton moqueur et leur univers absurde, il n'y a pas grand-chose à faire d'autre que de la filmer, sans commentaire, sans gros efforts de réalisation ; sa vie est suffisamment palpitante et sa langue suffisamment verte pour qu'elle se suffise à elle-même. D'ailleurs Libon et Hinant l'ont bien compris : leur film est sans style, reste bouche bée devant les sorties de la dame et l'ahurissement de ses "clients", et oublie au passage d'avoir un regard ou de réfléchir à un quelconque montage. C'est à peine si on distingue dans le film un fil rouge, "cold case" resurgi des archives (le meurtre, il y a 20 ans, de deux prostituées), et si on fait l'effort de nous monter un semblant de montée dramatique. Le film est plus l'occasion de filmer au quotidien les actes de la juge, depuis le cas le plus innocent (un vague vol à l'étalage) juqu'au plus grave (une infanticide complètement hallucinée).

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Il faut dire ce qui est, on se marre bien devant Ni Juge, ni soumise. Parce que la dame pulvérise la langue de bois en vogue d'ordinaire dans la profession, met les deux pieds et une partie des genoux dans le plat, quitte à choquer ou à prendre des dérives un peu torves. Il faut la voir menacer de flanquer un petit mec de 20 ans son cadet à terre, ou sermonner un récidiviste en calculant combien il allait coûter à la société (et comparant le prix à sa mort...), ou s'affliger devant la consanguinité atavique d'une famille, ou écouter avec délice une pute spécialisée dans le sado-masochisme ; la juge ne correspond à aucun moule, et on se réjouit de ses réactions si frontales et si sanguines devant les scandales moraux de cette société. Si tous les juges étaient comme ça, on se dit... Loin du calme de ses collègues, elle réagit à 200 à l'heure, s'emballe tout de suite, et n'hésite pas à se poser en mère La Morale face à ces délinquants minables, haussant même le ton quand ceux-ci se piquent de faire les malins ou de se mesurer à elle. Le film avance sans masque, avec même une certaine insolence, traçant à gros traits la ligne ente Bien (la juge) et Mal (les "clients"), ne s'embarrassant pas de regards moral ou de questionnement. C'est la marque de Strip-tease depuis toujours ; montrer des personnages pittoresques, montrer le monde par l'anecdotique, sans se poser d'autres questions que de faire marrer.

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C'est la limite de la chose, et si vous grincez un peu des dents devant ces moqueries collégiennes et cet à-peu-près formel, vous aurez pas mal d'occasions de le faire. D'abord parce que la justification de faire passer ce film sur grand écran n'est pas évidente : mal fagoté, mal photographié, Ni Juge, ni soumise aurait plus eu sa place dans une soirée télé. Ensuite parce que les bougres traitent les humains qu'ils filment comme de la chair à moquerie : le film est très cynique, envisage le monde comme un jeu de massacre, et tombe parfois dans des excès un peu adolescents (pourquoi filmer plein cadre un cadavre exhumé de sa tombe ou les photos de crimes des putes, qui n'ont guère pu donner leur autorisation... ?). Surtout, parce que cette juge pourrait aussi être questionnée dans sa mauvaise foi fière d'elle-même, dans sa conviction qu'elle est du bon côté : quand les rires fusent dans la salle devant l'imbécillité de cette famille consanguine, on se rend compte que le public, convaincu d'être du bon côté de la barrière, se laisse aller à une supériorité par rapport aux personnages, et le racisme n'est pas loin. Heureusement, le film sait aussi parfois arrêter sa mécanique du rire-à-tout-prix : les dernières minutes sont glaçantes, et notre bonne juge ferme enfin sa bouche, qu'elle a un peu trop grande, pour laisser s'exprimer cette folie et cette misère qui la dépasse. Un film discutable, très drôle mais en roue libre, qui filme la connerie humaine mais est parfois aussi con qu'elle. A voir, bien sûr, ne serait-ce que pour en discuter... (Gols 24/03/18)

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Bon ben discutons-en, tiens, un an plus tard. Arf, dans les grandes lignes, je rejoins le gars Gols : on ricane devant le ton souvent potache de la juge qui semble se faire un malin plaisir - pour la galerie -de faire des petites pointes cyniques ou de rester de glace devant des scènes peu ragoutantes (on a peu l'occasion de voir un vrai cadavre exhumé quelques semaines plus tard...) ; elle se donne volontairement en spectacle sans avoir besoin de forcer tant l'on sent chez elle un humour et un fatalisme innés (les êtres humains sont capables du pire : une fois ce postulat accepté (postulat qui est le sien), tout passe comme du petit lait). Il est clair qu'elle dépoussière façon Marie-Pierre Casey (...) la profession de juge qu'on a souvent un peu trop tendance à voir avec une balance dans le cul (oui, bon). Face à elle, des personnes un peu à la ramasse ; c'est vrai qu'on prend parfois un plaisir un peu pernicieux dans sa façon de faire fermer leur bec à des petits mecs qui se la pètent ou qui ont pété la tête de leur gonzesse... Les "je vous jure, je recommencerai plus" ou encore "comme je suis turc, dans ma culture..." (mais né en Belgique) ne font guère illusion face à la petite juge qui frappe à la mitraillette sur son clavier avant de lâcher laconiquement la sentence – pas de pitié pour les cas désespérés... Plus les personnes sont matures, pardon nature, plus elle a toutefois tendance, semble-t-il, à être un brin indulgente... Après, c'est vrai qu'il y a des cas devant lesquels il vaut mieux en rire (ou tout du moins garder une certaine distance) plutôt que d'en pleurer... Le groupe dit des "consanguins" qui se croient au bistro du coin ou la donzelle qui sort tout droit de l'Exorciste sont tout de même proprement hallucinants pour le coup... Pas besoin d'en rajouter pour le coup tant l'on a, étalée devant soi, toute la misère du monde et sa connerie aussi... Alors, oui, bon, au niveau du style et de l'image léchée, c'est clair qu'on peut se contenter d'un petit écran... De même, les réalisateurs ne font rien pour remettre en question ou tenter de mettre en porte-à-faux cette juge toute puissante dans son bureau, qui octroie bons points, mauvais points et mouchoir vert (même là, on sent un pointe de causticité) selon son bon plaisir. Certes. Mais les clients sont eux-mêmes suffisamment édifiants pour qu'on n’ait besoin de strip-teaser cette juge, une juge comme un poisson dans l'eau dans son petit bocal judiciaire. Des vertes et des pas mûres : pauvre France !... Ah oui, ouf, pardon, pauvre Belgique !  (Shang  18/03/19)

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