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15 mars 2018

LIVRE : L'Ancre des Rêves de Gaëlle Nohant - 2007

9782253070788,0-4344820"Zilaouet hol hac a glewfet / Eur zôn’zo newe gompozet" : tout est presque dit là-dedans pour rentrer dans le bouquin de Gaëlle Nohant, enfin en tout cas on comprend qu'il s'agit de Bretagne. Oui, la Bretagne profonde, ses climats monotones, sa mer déchaînée, ses veuves de marins et ses jeunes gens irrémédiablement attirée par l'océan, quitte à y perdre la vie la plupart du temps. C'est la fatalité qui s'abat sur le clan Guérindel, au point que les quatre garçons d'Enogat ont interdiction de s'approcher des vagues. Mais la mer vient s'insinuer dans leurs rêves : cauchemars mettant en scène des noyades d'enfants, des capitaines brutaux, des naufrages terribles, cauchemars récurrents et épuisants. L'un des mômes va décider de mener une enquête serrée pour connaître l'origine de ces visions nocturnes, et mettre le pied dans une sombre malédiction familiale qui l'emmènera jusqu'au XIXème siècle et lui fera découvrir le sort affreux des membres de sa famille. En effet, la vérité historique vient faire d'étranges entrées dans le monde onirique du garçon. En parallèle son cadet va lui pénétrer un monde beaucoup plus terrestre, celui de la première guerre mondiale, et découvrir un ancêtre devenu dément suite aux assauts de Verdun. Le plus grand de son côté explore un univers tout aussi noir, sur la trace d'un avortement et d'un meurtre... Le destin des Guérindel, marqué par la perte et le deuil, semble gravé au fer rouge dans l'inconscient collectif de la famille, et vient carrément hanter les rêves de la nouvelle génération.

Nohant écrit bien. Elle écrit comme avant, quand on maniait la phrase en artisan, quand la littérature était une chose importante. On retrouve dans son style quelque chose de la désuétude de Daphné du Maurier, dans ces mots soigneusement choisis au coin du feu, dans le côté légèrement poussiéreux de cette écriture appliquée, dans le travail très propre qu'elle nous propose. Dans les thèmes aussi : mix entre L'Auberge de la Jamaïque, pour les aventures de marin et les contes horrifiques murmurés à la veillée, et Rebecca, pour le côté fantastique et gothique de la chose, le roman rappelle aussi les lectures de jeunesse à la Stevenson ou à la Poe. Contre toute attente (car ça prend de temps en temps des allures de roman pour vieilles dames), il est bien agréable, si on accepte de se laisser raconter une histoire trépidante sans chercher plus loin. Nohant sait parfaitement rendre les ambiances de cette Bretagne sauvage d'autrefois, l'attirance irrésistible vers le grand large, la profonde tristesse de ceux restés à terre pour attendre l'aimé, la rudesse à bord. Ses personnages, même complètement invraisemblables, sont attachants, et la construction de la chose force le respect : on avance dans une histoire familiale très complexe sans difficulté, et on plonge avec plaisir dans ces atmosphères fantastiques. L'écriture est parfois un peu précieuse, mais la dame sait jongler avec les adjectifs, être concise quand il le faut, se retirer devant l'action ; et elle sait même parfois être audacieuse, quand il s'agit de revenir sans cesse sur les rêves de ces gosses, réécriture de plus en plus détaillée de la même scène, comme le champ d'une caméra qui s'élargit de plus en plus. Bon, un beau roman à l'ancienne, oubliable sûrement, mais bien prenant par moments.

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