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12 janvier 2018

LIVRE : Le Sein (The Breast) de Philip Roth - 1972

A72600Pas le meilleur Roth, loin s'en faut, même si on retrouve avec plaisir l'humour décapant du gars à ses débuts. Roth propose ici une variation 70's autour de la métamorphose d'un homme, sur les traces des maîtres anciens Kafka et Gogol. Mais point d'insecte ou d'appendice nasal ici : David Kepesh, éminent conférencier en littérature, se retrouve du jour au lendemain transformé en sein. Un gros sein de 75 kilos, fatalité incompréhensible et qu'il passe tout le roman à essayer sinon d'expliquer, du moins d'accepter. Ce pitch improbable lui donne l'occasion d'exercer la fameuse dualité qui marqua ses débuts : l'opposition entre le petit monde juif intellectuel, prude et propre sur lui et les pulsions sexuelles de son temps. Car à être un sein on n'en est pas moins homme, comme dit le penseur : très vite, une nouvelle forme de sexualité s'ouvre à lui, et il n'a de cesse de convaincre sa femme ou son infirmière de jouer avec son téton, voire plus si affinités. Quant à ses visiteurs masculins, on est entre la moquerie des scientifiques et l'indifférence totale du père (les meilleures scènes du livre), qui continue tranquillement à donner des nouvelles du quartier à son fils comme si de rien n'était. Le Sein est une grosse farce un peu provocatrice, pas toujours très fine, mais qui a au moins le mérite de questionner dans le rire la part de féminité contenue dans l'homme et de pointer l'usage forcément égoïste qu'il en tire. Roth est parfait au niveau du style, je ne vous apprends rien, gérant avec une grande finesse les parties cocasses et les angoisses très contemporaines de ce personnage pahétique. Mine de rien, il parle aussi de l'aliénation de Kepesh, aliénation qui passe par la religion, par son machisme, par son statut d'être humain. Pendant une bonne partie du livre, le gars se persuade qu'il est devenu fou, et que ce que lui disent les gens est l'inverse de ce qu'il devrait entendre, un habile jeu de vérité-mensonge qui donne de très belles pages. On reste pourtant dans le petit roman, c'est pas comme ça qu'il aura le prix Nobel.

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