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12 janvier 2018

A Ghost Story de David Lowery - 2017

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Tout chafouiné après avoir vu ce film à faire fondre une banquise, d'autant que je n'en attendais pas grand-chose. Les premiers plans énervent pas mal d'ailleurs : un format d'écran presque carré, aux bords arrondis, petit gadget inutile mais délicieusement hype ; une lenteur terrible des plans ; une histoire sentimentale classique et un peu vaine ; le tout dans une mise en scène glaciale, tout en à-plats et en plans fixes, en "cadres dans le cadre" rigoureux et un peu fabriqués. Mais très vite, Lowery fait bifurquer son histoire : il suffit d'un travelling magnifique qui part de la façade tranquille d'une maison pour finir sur un amas de carrosseries pour comprendre qu'on ne va pas exactement aller là où on le pensait : l'homme du couple parfait vu plus haut (Casey Affleck) est mort dans un accident. Dans la scène suivante, son fantôme se dresse dans la morgue déserte (très long plan, encore une fois, et on commence à comprendre le projet) ; et c'est parti pour 1h30 de film quasi-silencieux, filmant presque exclusivement ce fantôme un peu pathétique (c'est un fantôme en drap blanc, comme dans les BD), un peu triste, beaucoup seul, qui attend dans sa maison abandonnée que la femme qu'il a aimée (Rooney Mara) revienne.

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La grande idée du film, c'est d'allier un style très mathématique, glacial, à une histoire romantique à mort. C'est du style baroque XIXème en plein, sans l'hystérie : fantastique, sentimental, et en même temps l'habillage du film est très moderne. Un cadrage hyper-précis, des plans très lents et longs, un jeu très distancé (Affleck est recouvert de son drap à 90% du film), des séquences elliptiques... L'humour, en plus, n'est jamais très loin, mais un humour de clown blanc, triste à mort : le fantôme qui rencontre une consoeur à petites fleurs, les bulldozers qui attaquent la maison juste au moment où il va découvrir ce pour quoi il travaille depuis des années... Lowery travaille le style du film de fantômes, mais vu du côté du revenant, et ça change tout. La scène où Affleck met à sac la cuisine pour effrayer les nouveaux habitants qui ne lui reviennent pas est un magnifique contrepoint à toutes ces scènes de films où les assiettes volent mystérieusement dans tous les coins. Le sénario est de plus magnifique, d'une grande simplicité : on regarde simplement un homme refuser sa mort, et attendre on ne sait quel miracle, grattant mélancoliquement un pan du mur pour en extirper le morceau de papier laissé par sa bien-aimée, regardant le monde s'écrouler autour de lui, se transformer en ville froide, puis revenir aux origines pour recommencer à zéro. Le dessin improbable du fantôme est à la fois comique et bouleversant, et on est happé par ces images qui le montrent errant dans la campagne, seul au milieu des décombres, ou perdu dans l'immensité des buildings modernes. Tout ça est montré avec une rigueur parfois certes un peu gratuite, à travers des pans de portes, de loin, comme à distance du sujet ; mais même ça participe à la beauté du film, l'impression de limbes, d'un monde étrange entre vie et mort, est parfaitement rendue. Le message n'est pas nouveau (un homme refuse la fatalité), mais il trouve là une expression magnifique, sans prêche, sans discours new-age naze. La fin achève de vous assassiner, on n'est pas loin d'un romantisme assummé à la Wong-Kar-Waï, et on referme ce film tout ému par la simplicité d'exécution, par ce film qui a su vous prendre doucement par la main pendant 1h30 et vous faire aimer un bout de drap. Conquis, le Gols.

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