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5 mai 2017

LIVRE : La petite Fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy - 1998

9782020386715,0-1089811C'est un bosseur, pas de doute, le Gaétan Soucy, qui livre ici un roman hyper-travaillé et impeccable au niveau du style. Dans une écriture unique, il s'attaque, comme beaucoup d'autres à la perte de l'enfance, par un biais original. Deux jumeaux vivent à l'écart dans un château délabré, coupés de toute vie extérieure, élevés par un père hanté par son passé et très secret. Le jour où le vieux se pend, leur vie va basculer. L'un des deux va partir pour affronter l'extérieur (le village à côté) et découvrir du même coup sa véritable identité et tout un pan de sa vie qui était incompréhensible pour lui. Peu à peu, à la même vitesse que le héros, on découvre de plus en plus de trapes dans l'existence primaire de cet être, et ce qu'on découvre voisine avec l'horreur. Mais ce n'est pas tant ce qui est raconté qui importe, malgré les rebondissements effarants et les surprises sidérantes. Ce qui importe, c'est l'écriture, vraiment virtuose. Soucy écrit à la place de cet être à part, simple et solitaire, et invente donc un vocabulaire, une syntaxe, des expressions et des rythmes inédits, qui rendent pleinement compte de l'isolement du garçon. Chaque phrase est ciselée pour la rendre tordue, bizarre et pourtant compréhensible. Même quand le gars confond deux mots, même quand il invente des barbarismes ou insère dans sa phrase des jurons, on le comprend toujours, et Soucy travaille une langue autre, originale et poétique. Ce qui est très beau, c'est qu'on rentre littéralement dans la tête de cet être qui a été tenu à l'écart de toute culture, regardant le monde par ses yeux. Il en résulte un magma de mots, faisant émerger ça et là les événements, et on met toujours deux-trois phrases à visualiser réellement ce qu'on est en train de nous raconter, les grands bouleversements ou les petits faits étant traités à égalité. Le livre tient ainsi ses 200 pages avec la même force, jamais l'écriture n'est prise en défaut malgré sa difficulté d'exécution. Du coup, c'est vrai, la lecture nécessite une grande vigilance, chaque phrase étant travaillée, chaque rebondissement pouvant arriver n'importe quand. Difficile de ne pas être pris par le flot. Mais Soucy réalise ici un tour acrobatique qui laisse admiratif, peut-être seulement pour la pyrotechnie de la chose que pour son émotion. Un livre de style.

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