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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 février 2018

Cameraperson (2016) de Kirsten Johnson

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Après avoir fait le tour du monde avec sa caméra (de la Bosnie au Nigéria, des Etats-Unis au Liberia...), tournant divers documentaires pour différents individus lors de ces vingt-cinq dernières années, Kirsten Johnson nous livre un petit best of de ses propres images. Si elle n'a pas tourné sur le front d'une quelconque guerre, elle a passé notamment du temps à rencontrer en Bosnie des victimes (ainsi des femmes violées) ou des personnes revenant habiter sur les lieux dont ils avaient été chassés : un exemple certes parmi tant d'autres mais dans lequel on sent toute la pudeur d'une vidéaste qui ne cherche jamais à tomber dans un quelconque voyeurisme, juste à capter, avec l'approbation et la confiance totale de ses interlocuteurs, quelques instants de vérité ; l'un des instants les plus forts, émotionnellement, est sans doute lorsqu'elle revient cinq ans après avoir tourné son reportage en Bosnie. Rien que le regard de cette grand-mère au moins bicentenaire avec laquelle, lors de sa première venue, elle avait fini par parler de ses vêtements plutôt que des événements, donnerait des frissons dans le dos à un ours polaire. Mais au-delà de ça, on assiste à une multitude de micro-situations qui remuent plus ou moins son homme : un boxeur qui pète les plombs après une défaite, sa propre mère touchée par Alzheimer qui se fait secouer par une bourrasque de vent, une femme qui fait une mini-crise de nerfs en fouillant, exaspérée, dans les affaires de sa mère suicidée (provoquant dans la foulée une impressionnante chute de neige depuis son toit), un jeune garçon borgne qui témoigne de la façon dont il a perdu son frère, un accouchement miraculeux dans une clinique du Nigéria...

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Johnson, dont on soupçonne une patience infinie, semble toujours prête à s'effacer derrière son outil de travail pour capter au vol un événement, une parole, un regard voire même un lieu qu'il est interdit de filmer (notamment une prison au Yémen où se trouveraient des membres d'Al Qaïda) - elle semble d'ailleurs plus d'une fois oublier le monde qui existe autour de son viseur vus les petits crashs de caméra dont l'on est témoin au début du film. On ne ressent peut-être pas le souffle, l'envolée d'un Marker (qui savait à l'aide d'une simple voix off magnifiquement donner du sens à son montage) mais on a l'impression, dans les temps forts comme dans les temps faibles, d'avoir affaire à une véritable camérawoman-cinéaste qui possède un "œil", une vision, toujours dans le respect de ses interlocuteurs. Ce documentaire porte d’ailleurs parfaitement bien son titre tant l'on a le sentiment que ce que l'on voit se fait sans le truchement de cette petite machine à enregistrer que constitue une caméra : comme si toutes ces interviews avaient été confiées secrètement, en toute intimité, à une personne, comme si ces événements n'avaient attendu que le regard de cette femme pour naître - ou tout simplement comme si cette petite machine magique avait la possibilité, en revenant des années plus tard sur les lieux d’un massacre, de saisir dans l'air la mémoire des événements. Bref, un joli tour de force qui devrait plaire à l'ami B.   (Shang - 17/01/17)

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Un film assez fascinant en effet, par la somme d'inspirations et de sujets divers qu'il brasse, des plus "légers" aux plus lourds. Dès le deuxième plan (une route de campagne superbement cadrée, un plan fixe, et tout à coup un éclair qui zèbre le ciel et le petit soupir de surprise de la cadreuse), on est sous le charme de ce patchwork personnel, ces petits bouts de films qui n'ont en commun qu'une chose : Kirsten Johnson elle-même, sa manière de se tenir face au monde, sa place dans celui-ci, ses réactions par rapport aux émotions (fortes) qu'elle fait entrer dans son cadre. Le plus étonnant, c'est qu'elle travaille la plupart du temps pour d'autres, que son travail pourrait donc être assujetti aux choix du réalisateur ; mais on retrouve dans chacune des séquences une certaine patte, un regard original. Une manière de faire entrer le hors-champ dans ses cadres, peut-être : l'accouchement au Nigéria est cadré sur le bébé qui respire difficilement, occultant la mère ou filmant les va-et-vient de la sage-femme hors-champ ; la projection d'un film sur une famille en Serbie restant sur les visages qui se regardent eux-mêmes plutôt que sur l'écran... ou une grande sobriété dans le choix des cadres : ils sont au service du sujet, préférant l'austérité d'un plan fixe aux acrobaties (seul contre-exemple : la chute de neige juste au moment où une fille maudit sa mère). Johnson est guidée par ses émotions, c'est clair, ses films sont sensibles, et font toujours sentir derrière leur dispositif assez mathématiques sa présence qui guette, émue, empathique ; une manière très subjective d'enregistrer tous ces tourments et ces horreurs. Une manière de filmer, une manière de vivre...   (Gols - 17/02/18)

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Commentaires
B
vos images ne donnent pas envie, à part peut-être la deuxième
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B
Inspirant, merci.<br /> <br /> Visible un an encore ici :<br /> <br /> https://www.arte.tv/fr/videos/070815-000-A/cameraperson/
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