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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
20 février 2019

Un Jour avec, un Jour sans (Ji-geum-eun-mat-go-geu-ddae-neun-teul-li-da) (2016) de Hong Sang-Soo

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Hong Sang-Soo continue de tourner à la vitesse de l'éclair et de tester d'infimes variations formelles autour d'une trame, reconnaissons-le tout de go, guère différente d'un film à l'autre (un réalisateur rencontre une jeune fille : ils picolent, mangent, discutent... Va-t-il conclure ? Voyez, je ne vous mens point). Cette fois-ci, l'oeuvre est divisée en deux parties : si l'on est suffisamment perspicace, on peut déceler l'infime variation dans le titre donné à chacune des parties (« Right then, wrong now » puis « Right now, wrong then »), une infime variation qui, me direz-vous, change tout au sens. Et c'est bien là tout l'intérêt de la chose : Hong va garder les mêmes acteurs, les mêmes lieux, le même fil rouge mais de subtils changements (dans le climat, dans l'humeur, dans le ton mais aussi, forcément, dans le cadre...) vont faire qu'une nuit où tout se passe pour le mieux peut mal se finir et qu'une nuit où tout se passe moins bien peut finir bien mieux... Une simple nuance et votre vie diffère...

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Tout semble se dérouler pour le mieux dans la première partie, mais l'on voit bien que notre réalisateur dragueur un brin roublard en fait un peu trop pour plaire à cette bien jolie jeune femme, peintre à ses heures perdues ou peintre pour se trouver - comme vous voulez. Il l'encourage de façon plus que bienveillante sur la voie de la création, lui cache certains petits détails personnels (tel que le fait d'être marié), est tout sucre... Tout semble aller dans le "bon sens" jusqu'au petit grain de sable extérieur qui fait que la machine soudainement s'enraye, que quelques heures de flirt doucereux partent en fumée... C'eût été un autre jour... Eh bien justement, cet autre jour le voilà... Qu'est-ce qui fait qu'en gardant exactement les mêmes circonstances, les mêmes personnages, le sentier, comme dirait l'ami Borges, va bifurquer... Il suffit parfois d'un petit rayon de soleil pour rendre l'atmosphère plus cosy, d'un commentaire un peu moins "diplomatique" pour créer une tension, une tension qui n'est jamais mauvaise pour se dévoiler un peu plus, d'un peu plus de sincérité (justement), d'un peu de chance (la bague dans le caniveau), d'un peu plus de folie (un strip-tease masculin chez Hong, c'est aussi rare qu'une partouze chez Modiano... mais c'est possible) pour qu’une histoire assez mal embarquée finisse en belle rencontre... Le cadre semble magiquement en parfaite adéquation avec ces petites nuances qui changent tout (un cadre un peu plus large, un axe de caméra légèrement plus bas, un zoom opportun...) rapprochant ou éloignant les personnages ; il suffit même parfois d'un simple gros plan pour donner un peu plus d'humanité, de « chaleur » à la scène : dans la deuxième partie la séquence dans le café commence par un gros plan sur les mains des deux personnages tenant leur tasse dans le café (plan suivi d'un zoom arrière) alors que dans la première partie on ouvre la scène directement par un plan large (ambiance plus "distanciée").  Ces subtils détails de mise en scène, ces simples jeux avec le zoom au sein de ces « interminables »  plans-séquences (Hong est devenu un maître dans le genre) peuvent déjà donner une idée sur l’ambiance générale de la scène (que cela agisse de façon consciente ou inconsciente…).

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Le fil narratif peut fluctuer à partir de petits riens (comme se lever le matin du pied gauche sur un patin à roulettes ou du pied droit sur de la moquette) et d’infimes variations formelles accompagnent intelligemment le processus. HSS s'amuse une nouvelle fois de ces petits jeux scénaristiques tout en prenant un grand soin à la « mise en forme » (c'est moins spectaculaire que chez Inarritu, faut en être conscient...). Une oeuvre, dans le fond, sans "grand éclat", sans grande surprise (un tout ptit coup de gueule, une cuite mal gérée, un baiser presque volé...) mais, formellement, maîtrisé au millimètre, pour ne pas dire au micron. HSS, un cinéaste en parfait équilibre sur la corde usée de sa trame.   (Shang - 10/01/16)

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Voilà longtemps que je n'avais pas mis le nez dans un film de Hong, et vous m'en voyez tout charmé. Oui, c'est pas grand-chose, c'est même presque transparent, cette tramette pas très épaisse, cette nuit qui passe sans laisser de grosses traces, cette minuscule tranche de vie presque anodine. Mais c'est fait avec énormément de justesse, un ton à la Tchekhov qui lui va à ravir, et on ne peut qu'être charmé par ce petit film sans façon qui joue avec délicatesse des fluctuations du hasard. Il suffit, c'est vrai, d'une intonation de phrase, d'une lumière changeante, d'une humeur passagère pour faire passer une rencontre de paradisiaque à tendue. C'est l'expérience à laquelle va se livrer ce cinéaste en goguette, ouvert à toutes les possibilités en cette journée de farniente loin de chez lui : il va rencontrer cette jeune fille, et passer au cours de la soirée par toutes les émotions du monde, les plus difficiles (le renoncement, la colère, le désespoir, le ridicule, ...) comme les plus belles (l'amour, l'admiration, la compréhension, la légèreté...). Avec comme vecteur de changement, la vie toute simple comme elle va, les infimes changements d'atmosphère ou les phrases qu'on prend mal ou bien selon son humeur. Le film est soigneusement séparé en deux parties qu'on voudrait opposées, en son juste milieu, mais on a un peu de mal à distinguer les différences franches entre les deux : les deux ont leur lot de déconvenues et d'espoirs. La vie n'est pas noire ou blanche, on peut avoir la win pendant quelques minutes puis la lose tout de suite après. Le film raconte ça, une histoire qui commence et finit en une journée, possibilité ou non de bonheur. On pense souvent à cette chanson magnifique de Brassens, "Les Passantes", à ces coups du sort qui poussent telle nana vers vous ou vous en éloigne irrémédiablement.

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Tout ça est fait à la fois simplement et d'une manière très ambitieuse, avec ces plans-séquence en cadre large désormais habituels chez le gars. Simple parce qu'on a là le cinéma dans son plus dépouillé appareil, nu enregistrement de la vie toute simple, en apparence toute objective ; ambitieux, parce que le plan long est très difficile à manier, que la direction d'acteurs en est rendue très complexe, et que ce système est après tout très sophistiqué. Le sens du timing de chaque réplique, le talent des comédiens, la profonde compréhension de la durée d'un plan (la très belle scène de tension lors de la conférence du cinéaste, superbement gérée dans sa montée lente), la bonne distance que Hong sait toujours entretenir avec cette histoire pourtant assez sentimentale, tout ça remporte le morceau : voilà un film réussi et fin, qui parvient à enregistrer les petites pulsations de la vie comme rarement. Bien joli.   (Gols - 20/02/19)

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Commentaires
R
J'ai eu la chance de pouvoir voir la très grosse majorité de ses films au cinoche au cours des dernières semaines... On dit que ses films ressemblent a ceux de Rohmer, lequel faisait soit-disant toujours le meme film (j'ai des réserves sur ces 2 points la). Lui fait bien toujours le meme film depuis Conte de Cinéma, mais je ne me lasse pas de cette corde usée (très belle formule en fin d'article, au passage). Pire je jubile à voir à l'ecran Yoo Jun-Sang qui est franchement genial dans tous les films de HSS dans lesquels il joue, ou la craquante (et néanmoins bressonienne) Yung Yu-Mi (sa Marie Riviere a lui, malheureusement pas dans ce film).<br /> <br /> Bref comme vous disiez dans une autre chronique: HSS c'est toujours pareil, et ca finit toujours dans notre Top 10 de l'année.
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