Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
10 septembre 2015

Les dernières Vacances (1948) de Roger Leenhardt

"On est heureux quand on est enfant..."

les_dernieres_vacances_1947_trait_w858-445x320

Puis vient l'adolescence et le coeur devient vite chagrin... Dans la team Shangols, on s'émeut facilement de ces films qui traitent avec délicatesse de ce grand tournant de la vie qu'est le passage de l'enfance à l'adolescence - oui, même quand ils sentent un brin la naphtaline et sont estampillés grand classique frenchy (sauf pour Marcel C., par principe). Un peu trop vintage, ces vacances familiales bourgeoises à l'ancienne ? Point de procès d'intention ni de causticité excessive. D'autant qu'on ne peut qu'être charmé par un film où le jeune héros est interprété par Michel François... Quoi, Michel François, cela ne vous dit rien ? Mais crénom de dieu, vous ne savez pas qu'il s'agit du gars responsable de la voix-off in Les Mistons ? Revoyez vos classiques, mes bons messieurs-dames. Bref, voilà une oeuvre délicate qui appartient à cette douce époque où les parents pouvaient mettre une baffe à leurs rejetons quand ils leur répondaient - ces derniers, offusqués, partaient alors en courant, pleins de courroux et de honte sans faire de tag sur le mur de la demeure -, cette époque si naïve et "bon enfant" où un adulte pouvait flirter avec une jeune fille de 16 ans (je vais t'apprendre à ramer, petite, ehehe) sans que cela sente le soufre et les flammes de l'enfer judiciaire (j'ai bien dit flirter, hein, restons amis). Je me fais l'avocat du diable, I know... Ajoutons également en introduction que Leenhardt a eu la bonne idée de ne faire que deux longs-métrages (cela simplifie les odyssées shangoliennes qui n'en finissent pas) ainsi qu'une vingtaine de courts (dont le fameux Le Beatnik et le minet avec un Gérard Depardieu tout débutant, fermons la parenthèse et les anecdotes à deux balles), Les dernières Vacances restant son Oeuvre de référence, point. De quoi est-il donc question ? Une immense demeure, des parents qui veulent vendre la demeure ancestrale, des enfants qui aimeraient se rebeller - mais point trop, il faut savoir rester raisonnable et respecter la morale finale -, voilà la chose rapidement résumée.

les_dernieres_vacances_1947rit_w858-496x320

Il est vrai que chez nos jeunes gens, on est plus dans l'esprit scout (feu dans les bois, séances d'initiation, cap ou pas cap) que dans l'esprit beatnik. D'où cette impression d'une jeunesse un peu surannée et bien docile malgré cette petite volonté initiale de ne pas respecter les désideratas des parents : d'ailleurs nos jeunes gens s'émerveillent quand les vieux dansent le quadrille (vous voyez le mouvement grunge, ben l'inverse) et ressortent des petites étincelles dans les yeux les vieilles lanternes vénitiennes - nostalgie éternelle quand tu nous tiens... Mais attention, il y a tout de même des choses plus osées et more interesting. Il y a tout d'abord ces doux revirements du coeur entre nos deux jeunes héros : oui, ils sont cousin-cousine et doivent forcément ressentir l'un avec l'autre leurs premiers émois... Ils sont inséparables, puis surgit un adulte (le futur acheteur, qui plus est, du domaine) qui vient mettre le bazar : il met le grappin sur la jeune fille qui accepte docilement ce jeune mâle moustachu, ce qui rend forcément fou de jalousie notre jeune homme... D'où bouderie, brouille, silence lourd, c'est beau l'amour enfantin... Trouveront-ils malgré cela les ressources pour tenter de passer outre cette broutille et échanger leur premier baiser incan(dol)escent ? C'est tout le suspense de la chose qui se jouera forcément dans une botte de foin (souvenir for ever et première désillusion... vous verrez, c'est un concentré). Il y a un autre personnage fort sympathique en la personne d'une cousine divorcée : à cette époque, c'est synonyme de peste et l'ensemble des femmes (coinços) de la famille la voit d'un mauvais oeil. Leenhardt lui donne le rôle d'une véritable fée, légère, magique avec les plus jeunes et faisant tourner la tête des plus vieux (Pierre Dux, dans le rôle du mâle veule un brin couillon). Elle donne véritablement du peps et de l'énergie à la chose qui paraîtrait, sans doute, sans elle, un peu trop vieille France... Il y a enfin une toute vieille qui vit dans la demeure familiale, célibataire, mystérieuse, délaissée par la famille, qui travaille dans son coin à son jardin secret. Elle représente en un sens une sorte de "paradis perdu" (son "piètre secret" sera dévoilé au grand jour le jour même où la famille décide de partir) et une espèce de paradis éternel (grâce à l'imaginaire et au regard des enfants, elle se verra à jamais "portée aux nues"  - en parfaite adéquation avec le souvenir que l'on garde de ses vacances de jeunesse).

les-dernieres-vacances_199710_33103-457x320

Leenhardt nous conte les petites joies et peines de ce moment fébrile de l'adolescence avec une certaine justesse à défaut d'être d'une originalité folle ; certes l'atmosphère bourgeoise et engoncée est parfois un peu pesante (les garçons punks et les jeunes filles gothiques risquent de se sentir un peu à l'étroit dans ce petit monde très policé d'une autre ère) mais l'ensemble se suit avec le plaisir que l'on peut avoir à caresser la patine d'un vieux meuble ; certains ne verront que le petit côté vieillot, d'autres garderont le souvenir d'un portrait indémodable de la maladresse de nos jeunes années. Un bon vieux truc du patrimoine pas déplaisant en soi.

Commentaires
Derniers commentaires