LIVRE : Encres de Chine (When Red is black) de Qiu Xiaolong - 2004

Un petit retour en Chine sans nostalgie avec ce polar de l'exilé Qiu Xialong qui dresse un portrait des mutations sociales évidentes dans le Shanghaï des années 90. Si les références aux événements de la place Tiananmen et à ceux de la Révolution culturelle n'ont rien de franchement... révolutionnaires, il est plus intéressant de voir à quel point les anciens acteurs de cette RC n'en mènent pas large dans ces shikumen aux allures de ghetto. Parallèlement à l'évocation du projet New World (derrière lequel, sauf erreur, on devine la rénovation du quartier de Xintiandi), symbole de ce Shanghai moderne qui fait (socialement) table rase du passé tout en "sauvant les apparences", il est question d'un crime dans les milieux littéraires... A-t-on affaire à un sournois crime politique comme l'Occident les aime et la Chine les cache ou tout simplement à un pauvre meurtre sordide pour une poignée de yuan. Je laisse le suspense planer (...) mais il sera question en cours de route de ces jeunes travailleurs de province (les fameux mingong) qui ont tôt fait de déchanter lorsqu'ils parviennent dans la Capitale... Tout fut fait à une certaine époque pour envoyer ces jeunes pousses à la campagne et rien n'est fait aujourd'hui pour faciliter leur retour en zone urbaine... si ce n'est pour les "exploiter" à nouveau (avant c'était aussi bien le corps que l'esprit, ce n'est maintenant plus que le corps). Ben oui c'est triste ma bonne dame, le Dieu Yuan a tué le Dieu Mao...

La lecture du bouquin de Qiu demeure relativement plaisante grâce aux nombreux proverbes locaux dont le récit est émaillé - certains toujours d'actualité, d'autres, ironiquement, totalement dépassés - et par les multiples extraits d'anciens poèmes du cru que l'auteur parvient à subtilement insérer dans le déroulement de son intrigue. Du polar avec une petite pointe d'analyse sociale dans l'Empire du Milieu sous le brouillard, cela constitue ma foi une sympathique petite introduction à cette Chine qui s'éveille au bruit infernal des marteaux-piqueurs - alors même que l'éveil à l'art littéraire s'est lui éteint depuis longtemps. Bien vu mon coco.