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18 octobre 2012

LIVRE : Némésis de Philip Roth - 2010

philip_roth_nemesis

Tout simplement l'un des meilleurs Roth, ce qui n'est pas rien considérée la beauté de son oeuvre (qui s'achève ici, si on en croit les interviews du maître un peu partout). Non pas que ce soit très novateur dans son parcours : il y est comme toujours question de culpabilité, de corps qui s'abîment, de responsabilité collective, d'identité juive, de jeunesse perdue, le genre de thèmes qui a marqué tous les romans de Roth du premier jusqu'au dernier. Mais ce roman a quelque chose d'ultime, comme si ce chant du cygne était aussi un bilan complet du style du bonhomme. Dans le sujet même du roman, dès les premières pages, on sent la puissance que ça va dégager : un jeune mec olympique, sain de corps et d'esprit, s'occupe d'un terrain de sports pour ados dans une petite ville américaine des années 40. Une épidémie de polio s'abat cet été-là sur le pays, et peu à peu les enfants tombent comme des mouches. Le dilemme se pose de plus en plus sur la conscience du bougre : doit-il fuir le danger (son quartier est en quelque sorte au coeur du virus) ou rester pour rassurer ses jeunes ? Est-il un rempart contre la maladie ou au contraire un porteur de la maladie ? Peu à peu, la culpabilité s'empare de lui et va le ronger lentement au cours des 250 pages littéralement hantées par la mort de ce roman crépusculaire. Ajoutez à cela le fond historique de la trame : le héros, juif et jeune, n'a pas pu être envoyé au front en Europe comme ses camarades, à cause d'un problème de mauvaise vue ; sa culpabilité vis-à-vis de la polio se double donc de cette frustration patriote ; les enfants juifs qui meurent autour de lui ressemblent de plus pas mal à ceux qui tombent en Europe... La trame se fait donc puissamment symbolique, et tout en restant toujours du côté du roman, mettant toujours son point d'honneur à raconter une histoire avant tout, Roth finit par toucher au sublime quand il brasse ces énormes thèmes : comment lutter contre la barbarie, comment lutter avec sa conscience, comment être un héros ?

En plus de ce fond absolument parfait, l'écriture de Roth a rarement été aussi pesée, aussi belle, aussi profonde. Le personnage, sans arrêt fouillé jusqu'au plus loin, est toujours crédible comme un héros de Dostoievski. Les rythmes, mesurés, enchaînent parfaitement les moments de creux, qui décrivent des petits épisodes de la vie quaotidienne ou manient des flashs-back très précis, et des moments très tendus : une confrontation entre le protagoniste et une bande de gars venus chercher la merde sur le terrain de jeux, la prise de décision quand il décide de fuir, les descriptions de la mort qui s'abat sur les enfants ; et surtout la fin, vraiment sublime, apparition concrète du destin, de la destruction, de la fin du monde, rassemblés en un seul être. Bref, c'est de la très grande littérature, au sens noble du terme, et Roth est un grand écrivain.

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