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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 juillet 2011

Le Diable au Corps (1947) de Claude Autant-Lara

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Ah enfin un chef-d’œuvre d'Autant-Lara sur Shangols. Je plaisante, je suis sous opium. Comme disait grosso modo l'ami Julien, pour savoir qui sont ses amis, il faut connaître ses ennemis... Difficile, après s'être tapé cette bouse moralisatrice, de ne pas à la fois louer les attaques acides de la Nouvelle Vague envers une partie de ses aînés et de ne pas rendre grâce à Dieu de ce que ces jeunes cinéastes passionnés ont apporté au cinéma français. On pourrait dire beaucoup de choses affreuses sur cette version d'Autant-Lara (musique dégoulinante, mise en scène plate, effets lourdingues (roh ces flashs-back avec le son des cloches mis à l'envers...), acteurs en free-lance...) mais ce qui choque finalement le plus c'est la façon avec laquelle celui-ci a complètement dénaturé "l'esprit", la modernité, la sensualité du roman de Radiguet. Rien que pour cela, on a envie de conchier le Claude au delà de l'Enfer. Autant-Lara ne se contente point de nous montrer à quel point Marthe (Micheline Presle) est une menteuse invétérée (c'est mal), François un étudiant écervelé (c'est mal - il passe son temps à rire comme une miss France) et notre jeune couple un défi à l'harmonie (cela fait trop longtemps que je suis en Chine, je choppe des tics) de la société (c'est mal : elle en butte à sa mère (Denise Grey ! - vachement moins cool qu'en grand-mère dans La Boum si je peux me permettre de glisser une référence pointue), lui à ses profs et les deux totalement inconscients par rapport à la guerre - si chez Radiguet cette période constituait pour les jeunes gens "des grandes vacances", Autant-Lara ne peut s'empêcher, lui, d'insister sur le manque total de respect de notre petit couple envers toute sorte d'engagement patriotique...

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Mais il y a encore pire, dirai-je, en m'appuyant sur deux petites séquences "au hasard" : lorsque Marthe et François se retrouvent la première fois dans l'appartement d'icelle, François finit par faire une petite crise de jalousie quand il apprend qu'elle a choisi d'acheter le lit qu'il préférait mais qu'il ne peut dormir dedans (réservé bien entendu au mari de Marthe parti sur le front) ; il s'en va, elle tente de le retenir, il revient sur ses pas, il l'embrasse, elle résiste puis cède comme toute jeune femme qui au début dit "oh non" puis finit par craquer devant la puissance du mâle (arrrrrghhhhh !!!!!!!!!!) : c'est non seulement un total contre-sens par rapport à l’œuvre de Radiguet mais c'est surtout faire de Marthe une femme d'un autre siècle ; alors que cette période a permis justement aux jeunes femmes de s'émanciper (en effectuant notamment le travail des hommes absents), que Marthe incarne à la perfection cette soif de liberté, fidèle à ses sentiments et non aux règles imposées par la société, Autant-Lara fait d'elle dans cette scène une figure rapidement "vaincue" par les baisers de ce blanc-bec - une femelle lambda, quoi, comme on en trouve dans tout roman à l'eau de rose - beurk. Une autre séquence confine à la parodie, le réalisateur pouvant se targuer de nous livrer la scène d'amour la plus ratée et la plus faux-cul de toute l'histoire du cinéma : Marthe et François sont au lit, elle lui caresse puis lui embrasse le dos (une demi-seconde de sensualité, mon Dieu, cela en est trop) puis la caméra de passer derrière la tête du lit (le truc ne laisserait pas passer un moustique), la lumière de s'éteindre (! : alors que la scène est déjà hors-champ) et vas-y que je te fixe pendant bien deux minutes le feu de la cheminée (dont les flammes redoublent !!! - je vous jure) alors que la musique, déjà jusque là franchement intolérable, monte de façon infâme en intensité (un lyrisme et surtout un courage qui donneraient presque envie de vomir si on était pas plié en deux de rire...). Le final sur la croix de l’Église (Marthe meurt, elle est punie, c'est bien fait, Dieu a rétabli la balance : c'était mal, putain) est au diapason de ce ton moralisant du Claude qui nique une des œuvres les plus inspirées et audacieuses de son temps. Autant-Lara fait son entrée sur Shangols, au temps pour moi...

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Commentaires
S
On n'écrit pas "autant pour moi". De plus j'ai bien écrit "au temps pour moi" pour m'excuser d'une soi-disant "faute" que j'avais commise aux yeux du commentateur : il s'agit bien d'une vision personnelle - que j'assume - et non celle d'une autre personne à une autre époque. Ensuite quand vous dites : "Si vous n'avez pas vécu cette époque, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi il fit scandale", j'ai envie de dire : 1) à quoi sert alors d'étudier l'Histoire 2) n'hésitez pas à éclairer ma lanterne, pauvre jeune pêcheur que je suis avec le diable au corps.
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C
On écrit l'expression "autant pour moi" lorsque l'on s'excuse d'une faute commise. Au temps du film d'Autant-Lara, on sortait d'un massacre mondial. Le patriotisme, la bravoure, la religion et les bonnes moeurs étaient exaltés. Le film montre que la guerre a broyé des destins individuels et que les cloches et la fanfare de la victoire couvrent la douleur du deuil d'un amour. Si vous n'avez pas vécu cette époque, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi il fit scandale. Comme dit François au sacristain qui se réjouit, sur le parvis de l'église, que "maintenant, ce sont les femmes qui vont mourir.", "Allez planter vos drapeaux !"
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C
sans rancune alors.
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S
Cher Christophe,<br /> ne vous excusez point pour votre ton "virulent", votre réaction étant qui plus est parfaitement argumentée. Je comprends en relisant mon article l'amalgame qui peut être perçu entre les attaques de la Nouvelle Vague et ma vision d'un "discours moralisateur" (ce qui n'était pas mon but premier); de plus, je rattache cette morale à celle de l’Église (interprétation personnelle (au temps pour moi...) de la dernière scène) que vous "nuancez" en ces termes ("Le plan de la croix n'a rien d'une apologie de l'Eglise. Cette croix symbolise l'ordre moral qui a broyé Marthe et son amoureux" - certes, je veux bien, encore faut-il préciser qu'Autant-Lara est loin de se mouiller pour dire, lui, de quel côté il se trouve vraiment (du côté des amants ou de l'ordre moral?... sa façon de présenter les amants (comme je l'explique dans mon -navrant- article)étant loin, tout du long, d'être franchement positive...) Pour ce qui est de l'idée de "dénaturer un sublime roman d'amour, enfiévré, sensuel et foncièrement intimiste", il semblerait au moins que je ne sois pas complètement à côté de la plaque. Je ne cherche aucunement à remettre en cause la pertinence "historique" de votre intervention (j'ai un peu plus de mal à avaler le terme "manichéen" à mon encontre mais va...), je tiens seulement à préciser que j'ai tenté "d'analyser" personnellement cette œuvre (avec sans doute (au moins) une "interprétation "malheureuse" sur le final mais ce fut franchement ma perception sur le moment...)sans jamais me targuer de répéter les critiques faites à l'époque par la "nouvelle vague" - à laquelle je ne fais qu'une simple référence au passage. Voilà, en tout cas revenez quand vous voulez (cela m'a au moins permis de découvrir votre blog)que vous soyez d'accord ou non...
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C
Cette critique est navrante.<br /> <br /> Votre lecture du film est complètement fausse parce que vous y avez plaqué vos préjugés révisionnistes plutôt que de le regarder sans œillère. <br /> <br /> Ainsi il faut rappeler qu'à cette époque là, Autant-Lara est président de la section spectacle de la CGT et qu'avec ses scénaristes Aurenche et Bost, il n'aime rien tant que fustiger les valeurs "bourgeoises": patriotisme, mariage, cléricalisme...<br /> A sa sortie, Le diable au corps a d'ailleurs soulevé un tollé parmi les anciens combattants de 14. Le plan de la croix n'a rien d'une apologie de l'Eglise. Cette croix symbolise l'ordre moral qui a broyé Marthe et son amoureux, l'auteur ne va pas célébrer la mort de son héroïne, vous hallucinez complètement. <br /> <br /> Encore un rappel historique: c'est justement pour ces raisons que le film et ses auteurs se sont fait attaquer par les jeunes Turcs de la Nouvelle Vague. Plutôt que de vous y référer à tort et à travers, vous feriez bien de lire les articles dont où il en est question (au moins l'essentiel Une certaine tendance du cinéma français). Truffaut, comme tous ses copains des Cahiers, est à l'époque catalogué à droite et s'il attaque un cinéaste prisé par la critique de gauche (Lettres françaises, Positif...), c'est parce qu'il ne supporte pas la lourdeur et la facilité d'un discours anti-bourgeois qui EFFECTIVEMENT dénature un sublime roman d'amour, enfiévré, sensuel et foncièrement intimiste. L'académique Autant-Lara n'entrave que dalle au lyrisme de Radiguet et c'est ça qui met le jeune Truffaut en rogne. Et certainement pas parce que ce serait une "bouse moralisatrice". <br /> <br /> Désolé pour le ton virulent du commentaire mais quand on colporte aussi violemment une vision aussi faussée d'un cinéaste déjà victime de pas mal de malentendus, il faut s'attendre à un retour de bâton. Je me fous pas mal que vous descendiez ce film que moi-même je n'aime pas mais je tiens à rétablir la vérité au sujet de son contenu et de la vision du monde d'un cinéaste qui décidément met à mal les esprits manichéens tels que le vôtre.<br /> Ce n'est pas parce qu'on a fini au FN qu'on a été un gros réac toute sa vie. Et de même ce n'est pas parce qu'on a symbolisé un temps l'académisme dans le cinéma français que l'on n'a pas réalisé un poignée de grands films qui méritent plus qu'un coup d'oeil. Sans revenir sur l'ensemble d'une oeuvre inégale, je tiens à rappeler qu'Autant-Lara a réalisé au moins un authentique chef d'oeuvre: Douce.
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