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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 novembre 2022

La Victime (Victim) (1961) de Basil Dearden

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Il y décidément quelques perles dans l’œuvre de Dearden et ce Victim en fait partie. Après s'être attaqué au racisme dans Sapphire, Dearden traite dans cette œuvre de l'homosexualité, qui, faut le rappeler, était passible d'emprisonnement en Angleterre jusqu'à sa dépénalisation en 67... Comme le dit l'un des personnages du film, cette loi représentait alors une véritable "charte du maître-chanteur", grand sujet justement de cette production. Dearden ouvre son film en nous faisant découvrir un jeune homme cherchant à échapper à la police (belle mise en place du suspense)... La plupart des personnes qu'il contacte lors de sa fuite pour leur demander de l'argent le reçoivent de façon relativement froide tout en faisant preuve d'une évidente nervosité. On se demande bien ce qui peut autant mettre sur les nerfs tous ces individus qui viennent de diverses classes de la société, nous perdant en diverses conjonctures... Le jeune homme est finalement arrêté par la police qui ne tarde point à se rendre compte que le jeune homme a piqué dans la caisse de son entreprise pour payer un maître-chanteur. Totalement muet lors de l'interrogatoire (il a été retrouvé avec un épais dossier (des coupures de presse) sur un certain Mel Farr, un notable exerçant dans la Justice, qu'il semble vénérer et vouloir protéger à tout prix), il est retrouvé quelques heures plus tard pendu dans sa cellule... Gosh. Pour le policier en charge de l'enquête, "90% des chantages étant liés à des histoires d'homosexualité", c'est cette piste-là qu'il faudrait sûrement privilégier. Eh ben.

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Mel Farr (impressionnant Dirk Bogarde, tout en classe et en retenue), lorsqu'il apprend la mort du jeune homme qui a essayé en vain de le contacter dans les heures précédant son arrestation, va se faire un point d'honneur à retrouver les coupables de ce crime odieux. Promis à un brillant avenir, il sait qu'il peut mettre en danger sa carrière - et également son couple - mais tentera jusqu'au bout de faire pression sur d'autres personnes, victimes de chantage, pour remonter la filière. Parallèlement, les policiers mènent discrètement leur propre enquête ; comme dans Sapphire, le responsable de la police et son assistant, clairement homophobe, auront quelques échanges "musclés" : se voyant reprocher son côté "puritain", ce dernier fait remarquer que cela n'est point puni par la loi... "plus à notre époque" lui fait remarquer judicieusement son chef beaucoup plus tolérant, à l'évidence, que son collègue... Certains n'y vont pas par quatre chemins pour condamner ouvertement l'homosexualité (pauvre vieille fille, sûrement mal... allons, pas de préjugés) et Dearden montre à quel point les homosexuels vivent constamment dans la peur, incapables de mettre fin à l'agissement d'un quelconque maître-chanteur sous peine de se voir eux-même accusés : le scandale plus la prison, autant payer le silence de ceux qui possèdent des photos compromettantes - un parfait cercle vicieux. Il faudra tout le courage de Mel Farr (beau personnage également que celui de sa femme (Sylvia Syms) tiraillée entre une évidente jalousie et son amour pour son mari) pour mettre à jour (tout en "s'exposant") ces procédés ignobles.      

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Impeccable sens du cadre et fluidité du montage (c'est bateau mais c'est toujours remarquable), merveilleux noir et blanc (notamment les scènes de nuit), interprétation d'une parfaite sobriété de l'ensemble des acteurs (jusqu'au moindre second rôle qui a toujours quelque chose à jouer (l'hypocrisie du patron du pub, la scène faite par la femme de l'ami du jeune homme au début du film...)), il n'y a une nouvelle fois, au niveau de la forme, pas grand-chose à redire. Dearden excelle à nous montrer l'atmosphère particulière qui règne dans chacun des nombreux décors (l'intérieur cossu de Farr, les différents chassés-croisés dans le pub, le commissariat relativement froid, l'intimité de la librairie...) et signe un nouveau film qui fait date dans ce portrait de la société anglaise rongée de l'intérieur par sa soi-disant "morale". Respect total.  (Shang - 13/02/11)

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Et Basil Dearden par-ci, et Basil Dearden par là, et quel génie, et ô mon Dieu : Shang a vu bouche bée presque tous les films du gars et je n'en ai vu aucun, il est temps d'y remédier. C'est donc parti pour La Victime. Je ne sais pas, je ne devais pas être bien luné, mais moi j'ai trouvé ce film très très très bavard. Pourtant, lors des premiers plans, on se dit que, oui, on a là un solide metteur en scène, qui sait comme personne mettre en place des personnages et des situations, en quelques secondes, en très peu de mots. En quelques plans on est dans l'ambiance noire, et on est prêt à savourer façon vieux bourbon une gouleyante traque dans les bas-fonds. Mais las, juste après commence un long, très long scénario qui ne sait jamais comment raconter s'il n'en passe pas par la parole. Soit donc une suite de dialogues, filmés assez platement (Shang s'évanouit), sur-explicatifs et assez épais. Il fallait peut-être bien ce manque de nuance pour exprimer un sujet aussi délicat à l'époque ; et je sais gré à Dearden de traiter un thème que personne ne traitait à l'époque, avec ce que ça comporte de risques. Je sais gré aussi aux acteurs, tous formidables, d'endosser les rôles de ces parias de la société et de défendre le statut des homos dans l'Angleterre puritaines des 60's. En tête bien sûr, Dirk Bogarde qui apporte, lui, de la subtilité et de la sensibilité à un film qui en manque pas mal. Surtout, j'ai trouvé la chose bien plate formellement : si ce n'est ce beau noir et blanc classique, on reste dans le théâtre filmé ou presque : pas d'invention, pas de génie, pas de tentatives un peu originales de sortir du tout-scénario qui nous est ici proposé. Sans parler de la musique omniprésente et assez agaçante. Je vois bien la noble tentative de Dearden de transformer un film qui aurait pu être un pensum psychanalytique en suspense, en polar, sa volonté d'instiller de l'action dans son exposé. Mais l'action, elle doit passer par les corps, par la mise en scène, par les plans ; pas par ces longues scènes de dialogue. Je reconnais sans problème l'importance historique du film, et je reconnais tout de go que j'ai dû passer à côté d'un truc, tant Shang semble aimer ce cinéaste. Pour moi, c'est ennui et morne plaine, et quand je vois qu'on compare parfois ce film à un "suspense hitchcockien", les bras m'en tombent en même temps que mes paupières...   (Gols - 18/11/22)

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