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18 novembre 2022

Oh, oh, oh, jolie tournée ! de Jacques Rozier - 1984

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La curiosité improbable de la semaine nous vient de la Cinémathèque, qui exhume ce documentaire de l'attachant Jacques Rozier de ses archives. 1h16 en compagnie de Bernard Ménez, avouez que c'est tentant, surtout quand c'est pour l'entendre chanter niaisement son morceau culte "Oh oh oh jolie poupée" sur les podiums de l'été. Il en fallait un qui s'y colle, voici donc notre Rozier qui s'empare de sa caméra, oublie d'enlever le timecode dessus, et plonge dans le bruit et la fureur de cette tournée mémorable, qui voit s’enchaîner autour de Ménez pas moins que Linda de Suza ou Claude Barzotti, ainsi qu'une armée de danseurs brésiliens hilares et d'un Michel Drucker au faîte de son talent d'improvisateur. Ça a du charme, avouons-le, de retrouver la candeur de ces spectacles promotionnels un peu rances qui nous rappellent les longs dimanches en vacances au camping (j'avais vu Garcimore, Michèle Torr et Danièle Gilbert à Boussac (Creuse) à l'époque, j'ai du mal à m'en remettre). Ménez et sa bande ne se prennent jamais pour des cadors, font le job en sachant que ça durera moins que les impôts et sans péter plus haut qu'il ne faut, et cette modestie, cet artisanat sans façon, cette auto-dérision font plaisir à voir. Les âneries qu'ils chantent sont des rengaines faciles et sans ambition, et il y a dans le côté éphémère de tout ça une vraie tendresse, que Rozier parvient à faire passer parfaitement. Il est bien aidé, il faut le dire, par le personnage de Bernard Ménez, qui en sort très attachant : le gars joue (mal) des petites saynètes à la con (je me réveille, je mange du gâteau, je vous montre comment je confectionne mon accessoire en pansement), se prêtant avec une bonne volonté confondante au jeu, moitié rigolard moitié sincère, et cet homme qui a toujours su exactement ce qu'il était est en fin de compte très touchant. Certes, il appelle bien le canard local pour les engueuler de ne l'avoir pas cité dans leur article, certes il sait parfaitement vendre ses disques et gérer sa distribution de photos dédicacées ; mais son humanité, sa tendresse, sa modestie en font un homme ordinaire parfaitement touchant. Quand il chante son tube, sa danse ridicule est au diapason du personnage : c'est rigolo et nul, populaire et ras la moquette, mais c'est très bien.

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Le film a cette fraîcheur, cette authenticité de ce qui est pris sur le fait, sans calcul, sans savant plan d'ensemble. Rozier capte non seulement le personnage, mais capte également un air du temps, une époque révolue où le divertissement était roi. Dans le quotidien de ces artistes de province qu'il arrive à rendre, on devine la solitude de ceux qui n'ont pas réussi à être en tête d'affiche, mais qui font le job sans frémir. Les danseuses brésiliennes, survoltées (notamment dans le scène finale un peu gênante) sont considérées comme des culs sur pattes, le public comme une machine à fric à fasciner le mieux possible, mais tout ça est un jeu auquel tout le monde participe en connaissant les règles. Ce qui en ressort, malgré l'énergie de tout ça, le rythme excellent que Rozier parvient à insuffler à ce film à peine terminé, c'est la grande solitude de Ménez au sein de ce barnum. Qu'il traine son costume fraîchement repassé, qu'il partage un verre de vin avec les techniciens, qu'il fasse le pitre sur la scène ou qu'il danse avec les Brésiliennes, il semble toujours seul. Jolie sensation en creux que ce film sans façon nous invite à ressentir, sans tambour ni trompette. Oh oh oh !

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