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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 juin 2020

Raccrochez, c’est une Erreur (Sorry, wrong Number) (1948) d'Anatole Litvak

Vous prenez Fenêtre sur Cour, vous remplacez James Stewart par Barbara Stanwyck (malade, elle stagne au lit) et la fenêtre par le téléphone, et vous obtenez ce fabuleux petit film noir : ça commence par une étrange discussion que Barbara capte par hasard sur la ligne (il est question d'un meurtre qui doit avoir lieu à 23h15) et, de coups de fil en aiguilles (celles de la pendule), on parvient à l'une des séquences finales les plus hystériques du genre... Raccrochez-vous, pardon, accrochez-vous au siège, la tension monte jusqu'à devenir insoutenable...

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Ce que j'adore dans les films noirs, en particulier, c'est la complexité terriblement énervante du scénar : on nous livre progressivement des bribes d'infos, et, même mises en relation les unes avec les autres, on se demande franchement quel est le rapport avec la choucroute... Et puis dans les cinq dernières minutes, oh putain, tout commence à prendre sens... Auparavant, on nous a juste baladés comme un chihuahua en laisse incapable de comprendre pourquoi le monde autour de lui est si grand. Sorry, wrong Number est un must du genre, les fils s'embrouillant tout du long jusqu'à faire un gros noeud, sorry02noeud qui se démêle pratiquement à la dernière seconde... Pourtant au départ, on se dit qu'un polar avec une héroïne, seule, alitée, n'ayant à portée de main qu'un téléphone, ça s'annonce relativement plan-plan... Elle n'arrive point à rentrer en contact avec son mari, bon, elle ne cesse de relancer l'opératrice qui se trompe dans la connexion, surprend une conversation qui fait froid dans le dos, alerte l'opératrice, la police... Tout le monde s'en branle. Elle continue à passer deux trois coups de fil - son père, la secrétaire de son mari -: histoire de ne pas trop nous endormir, la caméra fait le tour de chaque pièce avant de se fixer sur l'interlocuteur - pourquoi pas, mais le procédé s'annonce lassant à la longue et puis... Litvak lâche les chevaux, l'échevau même, au niveau de la construction narrative : les différents interlocuteurs de la Barbara se mettent à raconter une histoire - tiens, un flash back - histoire au cours de laquelle ils ont rencontré quelqu'un qui leur a raconté une histoire - ah flash-back dans le flash-back, bien -, histoire qui peut, le cas échéant, se révéler plus longue que prévue - second flash-back dans le flash-back, ou... flash-forward après le flash-back dans le flash-back... oh putain...

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Plus Barbara (Mrs Stevenson) avance dans sa petite enquête pour savoir ce que fout son mari, plus la pauvrette se demande bien dans quoi elle est tombée : elle rentre en contact avec une ancienne amante de son homme, dont le mari travaille avec la police, qui enquête justement sur Mr Stevenson, aaah... De plus en plus effrayée, suant sa mère (...), elle prend contact avec son docteur qui lui en apprend de belles... sur elle-même (ah ben non, elle ne souffre pas du coeur, elle est juste un peu hypocondriaque, mais...?) puis avec un certain Evans qui travaille dans le labo du père de Barbara (richissime) et qui semble avoir magouillé des choses avec la gars Stevenson... ouhlàlà... On comprend pas toujours tout, mais on voit bien que cela commence à sentir le pâté. Ok, notre héroïne est un peu possessive, elle a sûrement fait tourner un peu en bourrique son mari, qui, frustré de travailler pour son père le richard, a tenté de trouver sa propre voie, mais de là à... Nan... Diable, y'a de la friture sur la ligne, ça commence à sentir dangereusement le roussi... Barbara Stanwyck, constamment pendue au téléphone, est de plus en plus livide à chaque coup de fil : chaque révélation est comme un véritable coup de poignard dans son dos, et on se demande si elle va tenir jusqu'à 23h15 (ben ouais, il y a un crime sur le feu quand même)... Ah tiens elle parvient enfin à avoir son mari en ligne, pas trop tôt... Coupez !... Magnifique petit polar en chambre signé Litvak, qui nous tient méchamment "occupé" d'un bout à l'autre. En prime, la musique tonitruante de l'incontournable Franz Waxman qui participe pleinement à faire monter la pression. Joli numéro ma foi. (Shang - 13/12/10)


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Eh bien je ne devais pas être bien luné ce soir-là, mais je serais moins enthousiaste que le gars Shang, beaucoup plus spécialiste en films noirs que moi je le reconnais. Le scénario est retors, aucun doute, et les infos sont distillées avec beaucoup de soin par un Litvak légèrement sadique. La grande qualité de la chose, d'ailleurs, c'est qu'on avance en même temps que Stanwyck, qu'on est jamais en retard sur son personnage : la vérité se dévoile au fur et à mesure de ses coups de fil compulsifs, et c'est bien agréable de sentir le film se mettre à notre rythme, rester au plus près de sa protagoniste. La deuxième qualité, c'est le personnage, justement, assez déplaisant, dont on sent dès le départ qu'elle n'est pas la jeune héroïne parfaite qu'on trouve dans ce genre de productions. Stanwyck, avec son physique étrange, est idéale pour interpréter cette femme ambiguë ; et quand on découvre que c'est Lancaster son mari, notre coeur se met automatiquement du côté du gars, même s'il est lui aussi diablement ambivalent. Tout ça est bel et bon, et c'est vrai qu'on suit le film assez amusé par l'exercice de style consistant à balancer un gros événement dans les premières secondes et de nous faire patienter jusqu'à l'ultime minute pour en connaître la résolution.

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Mais deux gros soucis pour moi : d'une part, les acteurs, pas très bons, y compris Lancaster qui a l'air de se demander un peu ce qu'il fait là. Je n'ai jamais été très fan de Barbara Stanwyck, mais elle surjoue ici son personnage, et donne beaucoup trop d'indices sur la suite de son évolution : nul doute dès le départ qu'elle est déplaisante, qu'elle va passer un sale quart d'heure, qu'elle imagine sa maladie, et qu'elle va mal finir, tant elle est déplaisante avec outrance. D'autre part, la tendance assumée au "tout scénario" : si l'histoire tient le coup, elle semble être le sine qua non du film, et on peut se permettre de sacrifier tout le reste du moment que l'intrigue est haletante. C'est peut-être le défaut des films noirs moyens : être réalisé sans génie, l'histoire passant avant tout le reste. Du coup, on voit bien que Litvak s'applique, qu'il travaille ses ombres, sa musique, sa photo, son montage, et c'est vrai que ces flash-back dans les flash-back sont amusants. Mais tout est moyen, rien n'est génial, là où il y aurait eu moyen d'envoyer du vrai stye (et on imagine Fritz Lang réaliser la dernière scène : ça aurait été spectaculaire). Litvak est un honnête artisan, qui ne démérite pas, mais il aurait fallu une autre vision pour rendre ce film intéressant. Là, on a droit à un simple récit, tout à fait haletant c'est vrai, mais assez mal fagotté et assez mal joué. J'aurais bien aimé vibrer tout comme mon camarade ; mais pour des suspenses anxiogènes réalisés avec génie, je préfère revoir Fenêtre sur Cour(Gols - 25/06/20)

Commentaires
F
Le téléphone, tous les moyens de communication et les robots peuvent nous faciliter la vie mais aussi nous la faire perdre. Tout est manipulable et il est parfois dangereux d'en apprendre trop. Excellent sujet bien traité avec suffisamment de rythme pour faire passer le scénario touffus, suspense constant allant crescendo. On ne décroche pas et c'est tant mieux.
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F
Un spectateur, conscient que le scénario alambiqué ne tenait qu'à un fil, a inventé le téléphone portable.
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T
bonsoir a tous .<br /> <br /> Mais finalement qui tue cette pauvre femme .<br /> <br /> merci et bonne soirée .
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A
C'est un film très important car il inaugure ces films de femmes isolées terrifiées par une menace peu claire. A noter que ce film inspira "C'est toi le venin" de Frédéric Dard et que celui-ci en avait rédigé la novellisation sous le nom de Lucile Fletcher ! Personnellement je le trouve plus intéressant que "Fenêtre sur cours" où le héros ne risque rien, alors qu'on tremble pour Barbara Stanwyck, et aussi les caractères sont beaucoup plus tordus.d'Hitchcock.
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