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25 août 2010

Profonds Désirs des Dieux (Kamigami no Fukaki Fokubo) (1968) de Shohei Imamura

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Pour le petit occidental de base (pick me, pick me), les films d'Imamura demeurent jamais réellement faciles d'accès. A défaut d'en comprendre toutes les subtilités, on peut tout de même s'immerger totalement dans ces oeuvres pleines de sauvagerie humaine et surtout sublimement filmées (cet opus qui date de 68 est sûrement l'un des plus beaux films en couleurs que j'ai vus jusqu'alors - et j'en vois po mal, vous êtes témoin). On est donc cette fois sur une île  - influence nipponne, forcément, mais également polynésienne - avec toujours ce même regard scrutateur d'Imamura sur ses personnages : on suit, en particulier, les aventures des membres d'une famille relativement starbée - les Futori - et l'arrivée sur l'île d'un petit ingénieur binoclard qui vient superviser la production de canne à sucre - il manque cruellement d'eau. Si la légende dit que l'île a été créée grâce à l'accouplement d'un frère et de sa soeur, les Futori semblent descendre en droite lignée de ces "lointains ancêtres" vu, qu'en terme d'inceste, ils n'en sont pas à leur galop d'essai... Leurs multiples écarts sexuels n'ont d'ailleurs pas tardé à les mettre au ban de la communauté, les Dieux en remettant une couche en leur balançant un roc énorme à proximité de leur maison. En attendant la fin de ce châtiment, chacun vaque à ses petites occupations...

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Dès les premiers plans qui font la part belle au monde animal aquatique, on sent qu'on entre de plain pied dans un conte où il sera plus question d'instincts primitifs que de relations zen et paisibles ; les Futori, déjà, c'est tout un programme : un grand-père qui règne en dictateur sur sa maisonnée sans que son passé soit forcément bien clair, une jeune fille attardée et nymphomane qui fait la joie des mâles du village, un individu enchaîné nuit et jour pour qu'il ne soit plus tenté de copuler avec sa soeur ou avec les femmes de ses potes - un personnage, au passage, qui s'attèle à une tache de titan en cherchant à faire disparaître cet énorme roc qui symbolise son trouble passé -, un jeune homme opportuniste qui cherche par tous les moyens à sortir de ce trou perdu... Une galerie haute en couleurs qui semble ne pas pouvoir s'empêcher de braver les tabous sexuels. Si les Dieux, eux, pouvaient se le permettre, cela finira par jouer un mauvais tour à ces petits êtres humains déviants ; même s'ils seront accusés à tort, certains membres de cette famille paieront un lourd tribut lors d'un final où s'exprimera de façon terriblement sanglante la vindicte populaire.

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Une nature sauvage, des superstitions millénaires, des règles qui semblent n'exister que pour être brisées et, comme bien souvent chez Imamura, un désir sexuel incontrôlable qui semble guider les actions de ses personnages principaux. Si ces pulsions violentes ont du mal à être canalisées, la tension est loin de plomber complètement l'atmosphère : Imamura fait aussi la part belle aux séquences grotesques (les aventures de l'ingénieur qui finit par "craquer") voire loufoques (les séquences de danse villageoise dans l'eau), sans hésiter parfois à verser dans un certain surréalisme - les plans sur ce gigantesque caillou orange au milieu de nulle part. Une communauté qui paraît en tout cas "chaud-bouillante" - le règlement de compte final -, attachée à un nombre incroyable de croyances en tout genre mais finalement, peut-être, "plus humaine" (avec forcément ses excès) que ce qu'elle risque de devenir avec l'arrivée des touristes : l'épilogue du film se passe cinq ans plus tard et l'on a l'impression avec ce petit train qui va bien droit sur ces rails et ces touristes très policés, pour ne pas dire cocacolisés, que ce monde va rapidement perdre son cachet, son originalité. Même si l'on continue d'inventer des histoires, d'avoir des visions (la jeune fille qui s'est transformée en rocher, son image qui hante la voie ferrée...), on peut se demander combien de temps cela risque de vraiment durer... L'essentiel est peut-être ailleurs (je prends des gants) mais il n'en demeure pas moins que le film, au niveau esthétique (les couleurs, le soin porté à chaque cadre) ou des lumières, est un régal à tous les plans. Même si ces désirs profonds des Dieux ne sont pas toujours d'une clarté de lagon (un film à creuser et à revoir avec grand plaisir), c'est un tel festin cinématographique qu'on aurait tort, quoiqu'il en soit, de passer à côté de cette véritable perle du Pacifique. 

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