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25 août 2010

L'As de Pique (Cerný Petr) de Milos Forman - 1964

vlcsnap_2010_08_24_22h54m04s120Pas très sexy, la vie du jeune Tchèque des années 60, si on en croit ce premier film de Forman. L'As de Pique est une sorte de manifeste Nouvelle Vague sans cette impression de libération des moeurs : on reste au ras du quotidien tristoune d'un jeune gars, traînant son mutisme et son manque d'entrain de petits boulots nazouilles en balloches ringards. Le regard est pourtant tendre et attachant, le jeune homme apparaissant souvent bien nigaud mais aussi bien de son temps, buté, amoureux et finalement sympatique.

C'est, comme dans la Nouvelle Vague, une belle impression de cinéma en toute liberté, se moquant souvent du cadre du moment qu'on a cette impression de "prise sur le vif" : les longues séquences dans l'épicerie, dans laquelle Petr est engagé comme surveillant/espion, sont parfaites dans l'alternance des cadres "amateurs", comme si tout était effectivement capté par une caméra cachée, et d'autres beaucoup plus recherchés. De même pour les scènes en extérieur, qui semblent volées de loin par un Forman qui n'a pas peur de mettre le nez dans la ville. Il y a aussi une scène de bal qui vlcsnap_2010_08_24_22h13m33s131jongle entre la fiction et la réalité avec inspiration, et qui sait à merveille capter un esprit (les nouvelles danses trémoussantes de la jeunesse), une ambiance (le glauque des soirées avinées), voire une société (le difficile côtoiement de l'ancienne génération et de la nouvelle, à travers musique ringarde et morale rigide). Ce faux bricolage alterne avec de très beaux cadres sophistiqués, notamment des gros plans de toute beauté où les visages sont soigneusement composés dans le plan pour rendre pleinement les rapports entre les personnages (le père et le fils, surtout).

On cherche là-dessous un fond politique, et on le trouve dans ce portrait d'un "espion" malgré lui, contraint de surveiller ses contemporains mais ne sachant pas comment intervenir, buttant contre une vision sociale vieillie de la part de ses aînés, et se retrouvant finalement face à lui-même et à sa vie dans un joli plan où il se reflète dans une vitre. Forman fustige surtout les anciens, complètement dépassés par l'évolution des moeurs (le père qui veut refiler un bouquin d'éducation sexuelle à son fils), encore ancrés dans les anciens modèles alors que leurs enfants ne rêvent que de sexe et de vodka. C'est vlcsnap_2010_08_24_22h21m29s24d'ailleurs dans les scènes amoureuses que le film trouve une réelle issue : les rencontres entre Petr et son amoureuse sont craquantes, d'autant que le gars est bien ballot devant cette découverte des sens ; son camarade lourdaud (Cenda) est lui aussi assez génial dans ses fanfaronnades creuses et sa lâcheté de gamin ("Reluque-moi" dit-il à ses potes dès qu'il ose approcher une fille à moins de dix mètres). Un film charmant qui fait presque figure aujourd'hui de documentaire sur un pays et une époque. Beaux premiers pas.

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