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Shangols
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11 juin 2010

Les Enfants jouent à la Russie (1993) de Jean-Luc Godard

165175745_3b15bc378d_mVoilà une oeuvre ma foi bien confuse du Jean-Luc (peut-être pas pour lui, mais définitivement pour moi) où ce dernier se plaît à jouer à l'idiot dostoïevskien - mais aussi à l'idiot tout court sous son grand bonnet d'âne de mauvais élève, ou plutôt d'enfant terrible de la Nouvelle Vague -  qui refuse les propositions d'un producteur américain de se rendre en Russie pour parler de l'après-guerre froide. Le dernier carton (la photo ci-jointe) est clair : voilà tout ce que Godard a à dire, point final, "encore une fois l'idiot a travaillé avec ses sentiments" disaient noir sur blanc (ou plus exactement blanc sur noir) les cartons précédents. Pour Godard le cinéma est mort depuis longtemps, il ressasse encore et toujours cette même idée et livre en vrac un patchwork d'images et d'extraits de films (Eisenstein, Dovzenkho, Tarkovski entre autres), dirige de jeunes comédiens lisant des textes de Tolstoï, de Dostoïeski ou de Tchekov (il se complaît à montrer les répétitions comme si les pauvres gars comprenaient rien au texte, rude) ou disserte sur le fait qu'en russe il y ait deux mots pour dire images, l'un faisant référence à la réalité, l'autre à la fiction... Dans cette grande confusion, que m'en reste-il vraiment?... Po grand-chose pour être franc. En introduction, Godard semble se demander pourquoi l'occident a toujours voulu envahir la Russie, de Napoléon à nos jours : il donne cette belle réponse comme quoi il s'agirait de la "terre de la fiction" et que "l'occident, lui ne sait plus quoi inventer". Il y a aussi une discussion entre Labarthe et Rohmer (po sûr) sur le fait que dans le cinéma russe, il n'y ait pas de champs/contre-champs, car lorsqu'on observe une icône il ne peut y avoir d'échanges de regards... Les champs/contre-champs auraient été inventés par les Américains vers 1910, poussant les spectateurs américains à regarder bêtement au lieu de voir. A défaut de savoir si cela est avéré (po facile à vérifier...), l'idée est malgré tout assez belle, ou disons assez fine, en soi. Sinon, pour le reste, n'hésitez point à vous faire une idée par vous-même. Hum.   (Shang - 07/04/08)


previewOui, il est vrai que ce Godard n'est pas d'une clarté absolue, mais reconnaissons aussi qu'on lui en voudrait du contraire. Bien accroché, pour ma part, à cette rêverie mélancolico-amère tout à fait dans le veine 90's du garçon. Ca pourrait être le 9ème épisode des Histoire(s) du Cinéma, même, tant encore une fois le génie pour faire se marier des images inmariables est constant. Dans sa réflexion sur la fiction, sur la mort du cinéma, sur la frontière entre réalité et imagination, Godard est prodigieux quand il monte en parallèle des images de documentaires et des images de films, créant un trouble extraordinaire. L'image de Staline sur son lit de mort, qui alterne en staccato avec la mort d'Ivan chez Eisenstein, ou ces archives hachurées de batailles avec les errances d'Anna Karenine, par exemple. On retrouve de nombreux plans qu'on a déjà vus dans d'autres films de JLG (la libellule, ce travelling arrière sur une camionnette qui emmène des femmes voilées, etc.), mais on frémit toujours devant la beauté de ces ralentis qui n'appartiennent qu'à lui : une manière de "mythifier" immédiatement l'image, d'en faire une sorte d'halucination entre rêve et réalité qui imprime directement la rétine. Les Enfants jouent à la Russie est encore une fois une symphonie millimétrée de sons, d'images, de musiques, de tableaux, de photogrammes, qui, mis bout à bout, se mèlent en un poème mélancolique d'une grande force.

kidsplayrussian1Les plans avec des acteurs sont moins géniaux, il faut l'avouer, et un peu agaçants dans leurs poses : Godard ressort son personnage d'idiot (alors qu'il est clair qu'il se prend pour un génie, personne n'est dupe), son image vidéo est assez moche, et sa direction des jeunes acteurs, qu'il laisse apparente comme l'a signalé Shang, paraît bien désincarnée. C'est dommage, car on sent bien ce que Godard a voulu tenter : en filmant la mort de la Russie telle qu'il la conçoit, c'est-à-dire celle eds grands cinéastes, des grands écrivains, il voudrait filmer deux autres morts : celle de la fiction, donc, et celle du communisme ; autrement dit, celle d'une certaine forme de cinéma, et celle de son propre cinéma. Godard revient sur sa propre conception du cinéma politique, celle qu'il a épousée avec plus ou moins de bonheur entre La Chinoise et Comment ça va ?, et il y revient avec amertume et une jolie nostalgie. Par-delà la grande beauté des images et du montage, par-delà la fulgurance simplement formelle de la musique, on sent que cette blague de potache (parler de la fin de la guerre froide en évitant surtout d'en parler) est d'une grande sincérité. Mais la fausse modestie finale ("voilà, l'idiot a bossé, that's all folks de mes deux", provocation qui paraît vraiment minable de la part de Godard) gâche l'émotion qui jaillit de ce film à plus d'un endroit. Un film en forme de déclaration d'amour au cinéma, qui trouvera sa vraie finalité avec les Histoire(s) du Cinéma, mais qui en est un joli addendum.   (Gols - 11/06/10)

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