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2 mai 2010

Les Larmes d'une Femme (Nyonin aishu) (1937) de Mikio Naruse

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Un Naruse on ne peut plus classique, on va dire, dans sa trame : une jeune fille, Hiroko (Takako Irie, l'héroïne des Vicissitudes de la Vie) se marie avec un homme qui lui paraît po trop mal a priori (elle a un faible pour son cousin germain mais bon, c'est ça, c'est trop proche); de femme à bonne, il n'y a qu'un pas que sa belle-famille lui laisse gentiment franchir. Elle ne se plaint pas plus que cela de son sort, mais faudrait pas non plus que son mari vienne trop lui chercher des noises... Portrait d'une femme qui se retrouve dans une famille aisée, prête à subir les petits aléas quotidiens. C'est toujours pareil, plus on est bonne pâte, plus on se fait rouler dans la farine; seulement Hiroko est loin d'avoir perdu toute fierté et toute foi en l'amour : elle reste en effet prête à se battre en son nom, même si cela ne concerne plus son propre mariage...

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Hiroko et Ryosuke forment un beau petit couple. Ce dernier critique chez elle son petit côté conservateur et constamment hésitant, mais Hiroko a confiance en elle pour devenir une bonne épouse. Sitôt rencontré, sitôt marié. Il s'agit certes d'un mariage arrangé, mais Hiroko se dit qu'elle aurait pu tomber sur un plus mauvais bougre que ce gentillet Shinichi. Rapidement on se rend compte malgré tout, qu'elle supplée surtout à la bonne : elle passe son temps à servir les parents de Shinichi - qui se disent qu'ils ont fait une affaire - (quand ce n'est pas les repas, il faut leur apporter un thé chaud), sans parler de tout ce qu'elle fait pour son propre mari, pour la fille cadette de la famille qui la traite comme une serpillère ou pour le petit dernier qui lui demande de l'aider pour ses devoirs. Entre les gens qui frappent à la porte, le téléphone qui sonne et les carreaux à laver, Hiroko ne sait parfois plus où donner de la tête. Le pire, c'est que son mari a eu tôt fait de la considérer comme "acquise" et passe la plupart de ses soirées à picoler entre collègues. Une petite moustache commence à pousser sous le nez de Hiroko, la transformation de Nippone en Portugaise devient grave (ça va, on peut déconner aussi).

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Elle ne trouve d'air qu'en fréquentant de temps en temps Ryosuke (joli cadre où Naruse laisse une place importante au ciel), mais même cette fréquentation finit par lui être reprochée par son mari. Lorsque Yoko, la soeur aînée, réapparait au sein de la famille (elle vivait avec un type sans le sou, un certain Masuda, et avait pratiquement coupé les ponts avec ses parents), on se dit que cela va faire non seulement plus de taff pour Hiroko mais la mettre encore plus à l'écart (les trois frères et soeurs jouant au mah-jong avec leur mère). C'est en fait juste la goutte d'eau qui fera déborder le vase : Masuda, l'amoureux éconduit, cherche à recontacter Yoko (mais celle-ci profite du cocon familial et refuse de le voir; quant à son frère, il fait volontiers barrage), et seule Hiroko est pleine d'empathie pour ce type, socialement bas, qu'on envoie facilement paître sur les roses. Elle va ainsi tout faire pour qu'il soit à nouveau réuni avec Yoko. Ce sera la séquence cruciale où Hiroko aura le choix entre obéir à son mari - et briser un mariage qui de toute façon battait de l'aile avant même de commencer - ou permettre aux jeunes amants de se retrouver : elle n'hésitera point une seconde.

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Formellement, on sent que Naruse cherche à dynamiser les discussions à l'aide de rapides panoramiques pour cadrer, à la suite, deux visages ou en opérant de subtils travellings-avant sur un individu lors d'un moment tendu. Plus la pauvre Hiroko est au bord des larmes, plus Naruse s'approche de son visage, mais l'on sent à chaque fois chez celle-ci toute sa détermination pour ne pas craquer et s'avilir : elle ne compte pas ses efforts pour rendre service à chacun, mais au niveau de ses principes - l'amour (quand il existe) est plus important que tout -, elle ne veut rien concéder. Hiroko a capitulé jusque-là devant les desiderata de son mari (jaloux et capricieux), mais lorsqu'il l'attaquera sur ce terrain, il tombera sur un os. Pas plus mal, parce qu'elle reprendra aussitôt sa liberté (superbe plan lorsqu'elle se met à cogiter sur de petites phrses du passé avec, en arrière fond, un oiseau en cage : elle peut finalement facilement sortir de la situation dans laquelle elle s'est elle-même enfermée) et son sourire, dans la foulée, de rayonner à nouveau en présence de Ryosuke. Joli petit Naruse de très bonne tenue techniquement parlant, d'une belle simplicité dans son déroulement et qui bénéficie de la présence d'une Takako Irie aussi convaincante que dans les deux magnifiques films narusiens suivants.

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