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24 mars 2010

Carmen de Christian-Jaque - 1945

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C'est toujours agréable, quand on n'attend strictement rien d'un film, de tomber sur quelque chose d'à peu près regardable. Christian-Jaque, contre toute attente, s'en tire plutôt moins mal que d'habitude avec Carmen. Attention, hein, on est très loin du chef-d'oeuvre, ni même du bon. Il y a là tout ce qu'on déteste dans le cinéma français officiel des années 40 : des acteurs à trogne, des dialogues empesés, des personnages clicheteux, une ambiance "studio d'Harcourt" absolument immonde, un lissage de tout ce qui pourrait déplaire au public, une musique tonitruante (Torrrééé-a-door !), et Jean Marais. Avec ce scénario, c'est un peu Mérimée qu'on assassine et Bizet qu'on égorge, et tout ça sent en plein l'amidon et l'huile pour faire tenir les accroche-coeurs en place. La palme de l'horreur est remportée certainement par Viviane Romance dans le rôle-titre, deux expressions au compteur si on compte le moment où elle dort, visage so-glamour enseveli sous 16 couches de fond de teint, et qui pense que le personnage de Carmen se résume à faire les yeux doux, à rigoler en mettant ses seins en avant, et à surjouer la chieuse devant Jean Marais tout ballot. Christian-Jaque semble fasciné, pour sa part, par la comédienne, lui octroyant des gros plans impossibles destinés à mettre en valeur ses yeux mouillants, sa bouche impeccablement passée au rouge même quand elle vient de séjourner deux mois dans une grotte, et ses accroche-coeur huileux disposés parallèlement.

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Mais, allez comprendre, il y a au milieu de cette bouillasse, de cet assassinat de la littérature, du cinéma et des autres Arts, quelques jolis petits moments inattendus. Les seconds rôles, par exemple, sont souvent pas mal : Blier en bandit sans vergogne, qui a droit à une mort toute en dignité après quelques petites répliques poilantes ; Lucien Coëdel en odieux, au jeu particulièrement moderne, et qui fait passer les mots d'esprit ringards de Janson avec talent ; ou Julien Bertheau, en matador quasi-dépressif, qui attaque ses taureaux avec une tristesse dans le regard assez émouvante. Surtout, Christian-Jaque se permet un ou deux tours de passe-passe de mise en scène bluffants, osons le mot : la mort d'un type filmée en caméra subjective (comme dans Che de Soderbergh, mais justifié), une table de tarot prise par en-dessous par un système de transparence (même principe que pour Hitchcock dans The Lodger), ou une poursuite en diligence avec la caméra accrochée sous le plancher. Oui, messieurs-dames, Christian-Jaque a des idées ! En plus il réussit particulièrement les scènes où on a besoin de lui, les bagarres à l'épée par exemple, ou encore cette longue corrida où images documentaires et plans de coupe sur les acteurs se mêlent tout en finesse. Le final, dans un paysage désolé et infernal, remporte des points aussi, par ce qu'il fait comprendre de la chute morale des héros.

J'arrête là, vous allez croire que j'ai aimé ça. Ca n'est pas le cas. Mais bon, quand un travail est bien fait, on peut aussi s'en réjouir.

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