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11 février 2008

Les Cheveux d'Or (The Lodger) d'Alfred Hitchcock - 1927

Hitchcock préfère (assassiner) les blondes. Bon je ne suis pas au niveau de mon co-blogueur pour le Bouddha mais je vais jouer les amateurs. Cette histoire du locataire d'au-dessus -mais pas des soupçons- fourmille de petites trouvailles muettes assez jouissives.

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Premiers plans: une femme qui crie, deux policiers, un témoin, la foule des badauds, des journalistes, un meurtre mis sous presse: le film est lancé. Dans une même pièce, Daisy, une jeune fille blonde, Joe, son amant policier, les parents de notre blonde -image d'un petit bonheur domestique- , puis l'ombre d'un homme sur la porte de la demeure (portant le numéro 13, pas le 21, Hitch est en avance sur Clouzot), le père qui chute de son escabeau surpris par le coucou qui sonne les heures: le nouveau locataire a tout de l'oiseau de malheur, le loup est dans la bergerie, l'intrigue est en place. Le policier dessine un coeur dans de la pâte à tarte, l'offre à sa dulcinée qui le rejette, il le déchire en deux morceaux, une pâte et un coeur brisés, une ombre plane sur cette histoire d'amour. C'est magique d'efficacité et de légèreté.

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Bien sûr tout accuse ce nouveau venu: il y a la célèbre trouvaille du plafond transparent sur lequel il fait les cents pas, ce qui intrigue les habitants de dessous, sa volonté de se débarrasser des tableaux représentant des femmes blondes, portraits "qui jouent sur ses nerfs", ses gestes malheureux avec un couteau ou un tison, ses paroles glaciales quand il joue aux échecs avec la jeune fille : "attention, je vais t'avoir"... Est-ce qu'il l'aura ou la tuera? Histoires d'amour et de mort intimement liées qu'illustrent parfaitement les paroles de Joe : "quand je mettrai la corde au coup du tueur, je mettrai la bague au doigt de Daisy" - paroles prémonitoires ou  "malheureuses"... Il mettra dans la foulée ses toutes nouvelles menottes autour des poignets de Daisy (le Hitch et le masochisme, un sujet de thèse), véritables tortures de l'amour dont il sera la première victime pour avoir voulu un peu trop tôt mettre son oiseau en cage...

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Il y a encore cette superbe scène lorsque Daisy prend son bain (la psychose encore une fois de l'érotisme et de la mort) et que le présumé assassin met la main sur la poignée de la porte qui lui résiste... Combien de temps encore se trouvera-t-il des obstacles sur sa route pour qu'il passe à l'acte...? Si jamais bien sûr c'est lui, le célèbre vengeur masqué... Si la porte lui résiste, Daisy (rah les femmes) ne tarde pas à lui tomber dans les bras -magnifique plan du baiser en gros plan et de celui sur les yeux de la femme qui s'ouvrent et se ferment lentement, un 69 serait presque moins direct...- et la femme de se retrouver rapidement encadrée par ses deux prétendants qui sont prêts à tout pour elle. A tuer oui peut-être.

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Le nouveau locataire est-il vraiment le meurtrier ou ne va-t-il pas plutôt se retrouver la victime d'une foule en colère (toujours aussi aveugle, dangereuse et destructrice)? Ben pour ça, il faut voir cette petite pépite de l'Alfred. Un Hitch qui tient en haleine de bout en bout en brassant la plupart des thèmes au coeur de son oeuvre. Bouddha, respects bien bas.   (Shang - 09/10/07)


Ah ben oui, mais non : si Shang se met à faire de brillantes critiques sur Hitch, comment voulez-vous que je reste le patron ? Mon collègue a à peu près fait le tour de ce chef-d'oeuvre, révérence servile donc. En effet : le film regorge d'idées visuelles, à peu près une par seconde, prouvant bien que Hitch, avant d'être le plus grand cinéaste du parlant, fut un maître du muet : il cherche systématiquement le moyen de pallier le silence par des inventions formelles (pour la liste, consulter l'article de Shang), et malgré le côté finalement assez "bavard" de The Lodger, il réussit la plupart du temps. Je serais prêt à dire que c'est le film le plus sonore de Bouddha : on entend littéralement les soupirs énamourés de Novello, les cris de terreur des blondes assassinées, l'horloge qui sonne les douze coups ou le bruit de la presse des journaux.

Fascinant de constater qu'en 1927, l'essentiel des motifs de Hitch étaient déjà bien en place : les menottes, le faux coupable, le baiser lod044considéré comme une scène de crime, la finesse pour parler de l'orgasme (le regard céleste de l'héroïne embrassée par son galant), la peur des flics, les escaliers, etc etc. Tout est ici amené avec un humour et une intelligence de chaque instant, Hitch se permettant des audaces incroyables pour donner de la profondeur à son histoire. La science du montage est déjà elle aussi au taquet : à partir du plafond transparent, où on devine l'angoisse de Novello à sa façon d'arpenter sa chambre, Hitch se permet de ne plus montrer qu'un lustre qui bouge, puis simplement un regard levé vers le plafond, pour suggérer la même idée.

Il y a aussi déjà, en filigrane, l'une des tendances les plus secrètes du père Hitchcock : le mysticisme, la lodgerreligion, qu'on retrouve dans nombre de ses films. Il faudrait compter le nombre de regards adressés au ciel par l'héroïne, comme si elle confiait ses tourments au Saint-Père ; il faut voir le jeu de Novello livrant son innocence à ses bourreaux ; il faut surtout admirer ce plan final, où on décroche un pauvre crucifié livré à la haine populacière, pour le déposer dans les bras de sa Daisy-Marie. Il y a toute une thématique christique là-dedans, faites-moi confiance. Pour le reste, tout est dit par mon collègue, mais j'insiste quand même sur le fait que c'est un chef-d'oeuvre immortel, comme 70 autres Hitch que je pourrais citer.   (Gols - 11/02/08)

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