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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 février 2010

Le Rayon vert (1986) d'Eric Rohmer

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"Ah ! que le temps vienne

Où les coeurs s'éprennent"

disait le père Arthur. Le moins que l'on puisse dire c'est que l'héroïne va prendre tout son temps avant de trouver le Grand Amour. Marie Rivière incarne donc cette Delphine, qui, faut le reconnaître, apparaît tout le long du film, comme une véritable plaie. A son corps défendant, c'est elle la première à en souffrir, mais c'est pas non plus le genre d'amie que l'on conseille à qui que ce soit... Début juillet, son plan pour partir en vacances en Grèce avec une amie s'effondre, et c'est le début pour elle d'un véritable parcours du combattant. Après moult plans qui tombent à l'eau et moult discussions avec ces proches qui lui conseillent d'être un peu plus aventurière ou ouverte aux autres, elle finit tout de même par s'embarquer pour Cherbourg. Elle se retrouve avec trois couples dans une baraque et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle n'est po vraiment au diapason : elle se lance notamment à table dans une longue apologie des végétariens et plus elle se met à discourir sur cette véritable philosophie de la vie, plus on la regarde, avec une certaine condescendance, voire comme une véritable plante... La pauvre Delphine se laisse aller à sa tristesse, voire à son désespoir, au contact de la nature et finit par se saborder elle-même en revenant sur Paris. Elle s'embarque ensuite pour la Plagne et là bis repetita, c'est le même vague à l'âme sauf qu'elle résiste pas plus d'une journée. Nouvelle et ultime tentative en se rendant à Biarritz où elle fait connaissance avec une Suédoise plutôt délurée. On pense que cette dernière finira par la décoincer, mais cela semble, définitivement, peine perdue. Elle prend à nouveau la fuite. Dernière étape à la gare de Biarritz (Rohmer a dû perdre entre temps son chef op ou n'a plus un cale pour le payer, certaines séquences faisant penser, au niveau de la qualité de l'image, à une vidéo des mes grands-parents...) où elle parvient enfin à avoir l'illumination : comme un petit rayon de bonheur - vert - qui s'est fait méchamment attendre.

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On serre un peu des dents, pendant une heure trente, à suivre les multiples épreuves de cette Delphine dont les idéaux romantiques ne semblent pas vraiment en phase avec son temps. Comme l'une de ses amies l'évoque indirectement, on aurait presque envie de lui coller parfois des baffes pour qu'elle revienne un peu sur terre - elle est limite pénible quand même... Mais bon, la fin lui donnera raison de ne pas avoir dérogé à ses rêveries sentimentales... Rohmer parsème ses images de petites touches de couleurs vives - le rouge sur fond vert -, glisse ici ou là des petits signes du destin amusant (la couleur verte, les cartes à jouer) et laisse une immense place à l'improvisation sur une trame, qu'on devine tout de même, déjà écrite dans ses grandes lignes. Cela donne de grandes bouffées, parfois, de "naturel" - la Suédoise, en free lance, s'en donne d'ailleurs à coeur joie -  même si la plupart des personnages masculins semblent souvent beaucoup plus patauds avec cette "liberté" dans la direction - un peu à l'image de leur tenue vestimentaire, toute étriquée, le moule-bite semblant définitivement en vogue en 86... Difficile enfin, sur de nombreux plans à Biarritz, de ne pas repenser à Conte d'Eté - qui viendra dix ans plus tard - tant certains plans semblent reproduits à l'identique dans cette oeuvre-ci. Le personnage de Gaspard (Melvil Poupaud), même s'il était finalement aussi indécis, était tout de même beaucoup plus attachant que cette Marie Rivière toujours entre deux eaux. Un Rohmer léger comme l'air malgré une Rivière qui tape un peu sur les nerfs...   (Shang - 30/03/09)      

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Puisqu'il faut trancher entre la légère bouderie de mon compère et la déclaration d'amour de notre lectrice Mathilde (voir les commentaires), je dirais que je me situe plus dans le camp de cette dernière concernant le personnage joué par Marie Rivière : pas vu là-dedans de valse hésitation ou de caractère gavant. Comme l'annonce subtilement la citation rimbaldienne du début, il va s'agir ici du sentiment le plus triste qui soit : la mélancolie, la nostalgie de l'autre. Delphine est seule, en manque d'amour et surtout en manque de ce trouble heureux qu'est l'amour. Elle éprouve constamment le sentiment de ne pas faire partie de la fête : quand les autres festoient en mangeant de la viande, elle assume mal son végétarisme ; quand ses copines draguent à tout va, elle est insatisfaite ; quand on lui ouvre des possibilités d'éclate à la mer ou à la montagne, elle se soustrait : la mélancolie, ni plus ni moins, l'attente de ce temps "où les coeurs s'éprennent" sincèrement. Du coup, Delphine ne m'est pas vraiment apparue comme une fille d'aujourd'hui, contrairement à ses copines complètement 80's : elle est au contraire le personnage rohmerien par excellence, celui qui n'a pas quitté l'ambition d'un monde d'amour précieux et romantique, et qui se heurte au consumérisme bon-enfant d'aujourd'hui. Très joli personnage, à la larme certes facile, mais qui traîne une sorte de dépression touchante tout au long de ce film. Le fait que sa jouissance arrive enfin, dans la dernière seconde, non pas par les bêtes voies sexuelles mais par l'explosion romantique (le coucher de soleil sur Saint-Jean-de-Luz) en dit long sur la vision de l'amour de Rohmer, qu'on retrouvera effectivement de façon équivalente dans Conte d'Eté.

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Le Rayon vert est également très joli dans cette éternelle façon qu'a Rohmer de sillonner un territoire à l'unisson avec les valses hésitations sentimentales de Delphine. J'ose : Le Rayon vert est un Rohmer hitchcockien, un versant hyper-français et sentimental de North by Northwest finalement. Le pays (la France ici, les States chez Hitch) est envisagé comme un espace presque abstrait, réduit du moins à ses quelques clichés de carte postale, qui n'est que le schéma potentiel de l'intériorité du personnage, de son parcours pour atteindre au cri de jouissance final. Le film est un complexe écheveau de décors à peine traversés, de chronologie très martelée (les dates qui s'égrènent tout au long du film), de rythmes heurtés (de longues scènes de dialogues qui alternent avec de courts cadres sur des paysages), de plaines et de montagnes subtilement symboliques des atermoiements de l'héroïne, de personnages à peine croisés et sans importance. Chez Rohmer, on va d'un point A à un point B, mais en passant généralement par toutes les lettres de l'alphabet, et dans le désordre si possible. Voilà donc un film sur-rohmerien, un de ceux où les errances du personnage sont le mieux rendues pour parvenir à cet instant très bref de l'Eveil : le rayon qui traverse l'espace une fraction de seconde, voilà ce vers quoi tend Delphine ; pour l'atteindre, elle a dû traverser 40 fois la France : c'est ça, l'Amour.   (Gols - 22/02/10)

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L'odyssée rhomérique est

Commentaires
M
les Klotz travaillent avec l'école d'art de biarritz où je suis étudiante, en tant qu'artistes invités. On a préparés des films qui vont être présentés en même temps que le FIPA dans 2 semaines. Aujourd'hui on aborde l'installation. <br /> J'aime la critique parce que je ne suis pas d'accord, en fait je la trouve un peu trop subjective. Et j'aime beaucoup Delphine, elle est la plus naturelle des métaphores, et juste dans notre temps.
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G
Mmm, là je vous laisse, je ne suis plus du tout la conversation (qui est bête ? pas compris). Vous aimez cette critique du Rayon vert ou pas, au final ? Je dis ça, je n'en suis même pas l'auteur, alors...<br /> 20 ans et vous bossez avec Klotz ? bienheureuse Mathilde, vous avez de la chance, j'aime beaucoup les films de Klotz.
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S
Je savais bien qu'on finirait par s'entendre, eheh. Cela dit vous êtes diablement plus jeune que nous, y'a pas photo j'avoue. (le "sans viser personne" ne vous était point destiné, entendons-nous bien)
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M
Moi c'est mère et enfant qui me plaît le plus.
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M
Rohmer est mort, j'ai 20ans, je suis en workshop avec Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval. Rohmer est mort et c'était mon artiste vivant adoré.
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