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4 août 2021

César et Rosalie (1972) de Claude Sautet

Si Claude Sautet est passé maître dans l'art de construire une histoire, c'est qu'il sait donner à ses personnages principaux de la chair et du sang : il y a la truculence d'un Yves Montand en pleine bourre, raconteur de sornettes et chien fou sans sa Rosalie, la silhouette stoïque d'un Sami Frey plein de sang froid et enfin la divine Romy, partagée, divisée mais qui garde les pieds sur terre entre ses deux hommes aux styles très différents et que quasiment une génération sépare. Il s'agit bien entendu encore une fois d'un dilemme, le dilemme presque d'une vie, pour cette femme éprise de liberté mise au défi de sacrifier l'une des personnes qu'elle aime...

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Il est encore question de trio amoureux : seulement le pivot de l'histoire est cette fois-ci beaucoup plus complexe; plutôt que de centrer son récit sur l'histoire du personnage au sommet du triangle, Sautet choisit de s'attacher à un Yves Montand jamais à cours d'imagination - et d'argent - pour arriver à ses fins. L'arrivée subite de Sami Frey bouleverse ce qu'il pensait définitivement acquis et mène César et Rosalie sur une pente animationcesarsarrahwa1très savonneuse : "Tu as fait ce qu'il ne fallait pas faire : tu fais n'importe quoi, tu dis n'importe quoi", lui dit-elle; "Elle rit sans rire, elle sort quand il pleut, elle fait n'importe quoi" avoue-t-il. César n'a jamais eu l'habitude que quoi que ce soit lui résiste - lors de l'une des premières séquences, rappelant incidemment Les Choses de la Vie, on frôle l'accident : César, en tête du cortège, ne peut supporter de se voir doubler par ce Sami tout juste débarqué - et fonce dans tout ce qui se trouve sur son passage; pas bégueule, il ne tarde jamais à réparer ses torts et ses coups de folie (il détruit entièrement l'atelier du Sami) avec la maladresse de celui qui pense que le pouvoir de l'argent permet de tout excuser... Seulement, même s'il parvient, après une courte parenthèse, à persuader Rosalie de revenir avec lui, il sent bien que quelque chose en elle est détraqué - "Elle fait des gestes comme dans la vie mais c'est de la cire, tu vois" annonce-t-il au Sami consterné devant les aveux de Montand. Celui-ci tente alors l'impossible : inviter le Samy à demeure en pensant que Romy se lassera plus vite de lui s'il est là que si elle pense à lui. Charmeur avant tout, César parvient à séduire le Sami, à en oublier presque le pourquoi de sa présence... La fin, que j'avais comme d'hab oubliée, vous laisse la gorge plus serrée que devant un carton de bières vides avant l'apéro.

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La musique de Sarde permet de partir tambour battant et en fanfare, la caméra de Sautet donnant presque l'impression d'être incapable de suivre Montand tant ce dernier regorge d'énergie. On comprend vite, dans ce caractère totalement extraverti, ce qui peut séduire la spectatrice Romy, tout comme on saisit très vite ce qui lui correspond profondément dans le personnage de Sami. Le ton est donné, l'orchestre est en place pour cette fugue constante de Rosalie à la recherche de l'homme qui lui "conviendrait" le mieux, choix cornélien s'il en est. Si les costumes estampillés années 70 font aujourd'hui sourire, l'histoire est, elle, éternelle, et Sautet, tout en captant parfaitement l'air de son temps, livre un récit déchirant et captivant. Bref, chapeau bas, again.   (Shang - 29/07/08)


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Pour moi, César et Rosalie est une définition possible de l'enfer. J'ai toujours prodigieusement détesté ce film, tant pis pour les commentaires qui devraient s'en suivre, et la revoyure fut peut-être encore plus douloureuse que jadis, où au moins le film avait le mérite de n'être pas encore trop daté. Dans un festival d'archétypes psychologiques binaires, Sautet fait sa fleur bleue et réalise le top du top du film d'amour impossible, ou en tout cas rendu tel par l'ennui bourgeois et les manuels de développement personnel. D'un côté, les hommes, dans toutes leurs pathétiques (et supposément partagées par tous) faiblesses. César (Montand, absolument affreux dans la caricature, un homme tel qu'on peut le croiser dans les romans sentimentaux, mais en tout cas pas dans la vie) claque son fric, fait la roue, a le verbe haut et affiche une virilité exacerbée : il ne supporte pas d'être doublé en voiture, offre des tableaux à sa femme qu'il a sous-côtés, peut vous acheter une rue sur un coup de tête et fonce au bistrot boire un Pernod et manger un œuf dur dès que ça na va pas bien ; David (Samy Frey et son visage opaque bien pratique quand on a rien à jouer) est un beau ténébreux au calme olympien, auteur de BD, bohème et taquin. Les deux sont censés représenter à eux deux l'homme idéal, petits, mesquins, querelleurs, prétentieux comme un coq, cons comme un train, mais si attachants parce que ce sont des hommes.

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De l'autre côté, une femme, que dis-je, LA femme : Rosalie (Romy, l'éternelle, Romy aux mille visages, Romy dont l'éclat de star éclate dans la phosphorescence bleutée des nuits étoilées du firmament du 7ème art), belle, intelligente, fatale, libre et forte, parce que c'est une femme. Je hais Romy Schneider. Ce petit monde réinvente pour nous la poudre en faisant valser les sentiments. Enfin, surtout elle. Comme il est bien connu que l'amour c'est gai l'amour c'est triste, notre Rosalie va prendre un malin plaisir à jouer avec les deux benêts, quittant l'un pour mieux lui annoncer qu'elle reste avec l'autre, avouant à l'autre qu'elle est partie rejoindre l'un alors que c'est pas vrai, affichant le fameux sourire-Romy (sa seule expression, du reste, mais alors très efficace) dès que ces messieurs pètent un plomb. Pourquoi ? Parce que l'amour c'est gai l'amour c'est triste, et qu'il est bien ennuyeux d'être une Occidentale alanguie et fatale. Même quand nos deux gars, au bout du bout, finissent par sympathiser sans la présence de Romy, elle revient tout de même, au bout de quelques années, pour remettre la zizanie, dans un final qui m'a empêché de dormir.

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C'est inregardable aujourd'hui, si tant est que ça le fut un jour. Psychologiquement, Sautet (et le funeste Dabadie au scénario) use des clichés les plus éculés pour parler des hommes (veules et cons) et des femmes (belles et diaphanes), se tirant une balle dans le pied dans son portrait d'une humanité "tellement attachante" : les personnages sont schématiques, et les acteurs (oublions s'il vous plaît deux minutes ma haine contre Romy) sont dirigés vers encore plus de caricature. Pour un cinéaste qui a su ou saura être subtil (Vincent, François, Paul et les autres était d'un autre niveau), c'est sidérant de voir une telle binarité dans l'écriture, et on se dit que Sautet est plus un cinéaste de l'amitié que de l'amour. Encore une fois, il est pris ici en flagrant délit de paresse à la mise en scène (que d'aucuns appelleront finesse, je veux bien), se contentant de cadrer Romy le plus possible pour mieux en rehausser le sourire énigmatique (et la tête à gifle, mais oublions, j'ai dit) : Sautet est amoureux, et en oublie tout le reste, tressant des situations improbables autour de sa star fatale et ridiculisant ses personnages masculins (Montand est détestable, autant l'acteur que le personnage) sous le regard amusé et hautain de madame. Véritable emmerdeuse, Rosalie est le personnage raté de l'affaire, mais Sautet a l'air de la trouver passionnante : encore un film auquel je ne comprends rien. Un des films fondateurs de ma cinéphilie inversée, dirais-je. Je déteste absolument.   (Gols - 04/08/21)

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Commentaires
S
Merci Gols !! Je pensais être le seul à ne pas pouvoir regarder César et Rosalie!<br /> <br /> Et à ne pas être sensible à la réhabilitation actuelle de Sautet ( même par les Cahiers , dans quel monde vivons nous?)
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A
Et moi chuis bien content de savoir que Shang oublie régulièrement la fin des films. Ça me fait un bien fou. <br /> <br /> Mais ne serait-ce pas une coquetterie d'auteur ? Et, du coup, je reste dans l'angoisse.
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A
Avantage Gols absolument. Je ne pouvais déjà pas blairer ce film à l'époque où j'aimais bien Sautet (je ne sais pas si je pourrais l'aimer encore, mes références ont peut-être trop changé depuis). Montand est absolument insupportable et Frey a une parfaite tête à claques. Quant à Romy... Je la trouvais belle dans ma jeunesse, mais je crois que c'est pas non plus l'actrice du siècle.
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F
Pourquoi "César et Rosalie" et non "César, David et Rosalie" ? Encore un caprice de Montand ? On se croirait dans une cour de récréation à l'heure de la mixité dans les écoles. Une histoire de "bobos" sans intérêt. Avantage Gols.
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