Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
7 janvier 2008

Les Promesses de l'Ombre (Eastern Promises) (2007) de David Cronenberg

18837287_w434_h_q80Je suis entré un peu à reculons dans la salle, tant j’avais été déçu par le minuscule History of Violence, qui ne dépassait pas beaucoup l’honnête téléfilm de M6. Annoncé à grands renforts de « nouveau style cronenbergien », de « thriller urbain d’une noirceur totale » ou de « Cronenberg a enfin trouvé un vrai corps de cinéma à filmer (Mortensen) », Eastern Promises ne me tentait qu’à moitié, et c’est uniquement mon dévouement inlassable pour vous tenir au courant de mes goûts qui m’a décidé à tenter le coup (merci, qui ?).

Bon, il faut s’y faire, malgré qu’on en aie (c’est du bon français) : le Cronenberg expérimental et sulfureux est derrière nous ; il va falloir s’habituer au fait qu’il est devenu un auteur plus académique, tourné vers la trame plus que vers les tentatives formelles sidérantes du passé. Finis les The Brood, Crash, ExistenZ et autres The Fly : Crony raconte maintenant des histoires moralistes et classiques, range ses monstres visqueux au fond d’un tiroir et prend sa retraite de novateur. Une fois ceci 18837289_w434_h_q80bien ancré dans la tête, et malgré qu’on en aie (bis repetita), on prend un grand plaisir à la vision de ce film, qui garde au fond, tout au fond, une petite odeur de soufre qui fait bien plaisir. Les motifs du gars sont bel et bien là, certes délavés, certes exposés beaucoup plus sagement que par le passé, mais délicieusement présents : le goût pour la mutation des corps, représenté ici par les tatouages qui habillent Mortensen ; la fascination pour la violence, le film étant très brutal et osant montrer la mort dans sa durée ; l’humour morbide ; voire, en cherchant bien, cette terreur/attirance vis-à-vis du futur, dans cette lutte muette entre les maffieux à l’ancienne, encore respectueux de codes (magnifique Muller-Stahl) et les jeunes voyous hyper-violents et intenables (étonnant Vincent Cassel, vraiment bien dans un personnage troublant et effrayant).

L’histoire, très classique, est bien racontée, obéissant aux règles du genre (trahisons, cadavres lestés, innocence bafouée), tout en surprenant souvent (l’homosexualité refoulée de Cassel, ses rapports avec 18837282_w434_h_q80Mortensen, et toute les histoires de filiation qui s’entremêlent). Cronenberg parvient parfaitement à tresser une toile serrée entre les personnages, assez génialement dessinés. Oublions Naomi Watts, pour le coup terne dans un personnage fadasse de toute façon. Mais face à elle, les liens se tissent avec une grande subtilité : on ne sait plus qui est amoureux de qui, qui domine qui, qui manipule le jeu, et Mortensen, au sommet de tout ça, est effectivement plus que parfait dans l’ambiguité de son rôle (ange ou démon ? archétype du voyou sans morale ou victime de son personnage ?). Une scène domine le film, aussi sublime dans son filmage que dans la subtilité de son traitement : un corps-à-corps dans un bain public, où la nudité fragile de Mortensen est confrontée aux costumes-cravates de deux tueurs ukrainiens. On retrouve enfin là la fascination du gusse pour la puissance physique, la mutation, la fragilité des corps, et la scène, extraordinairement efficace, se teinte d’une expérience troublante sur le regard et l’érotisme qui fait bondir de joie. Peu importent alors l’académisme morne de plusieurs séquences, ou le final béni-oui-oui : dans Eastern Promises, Cronenberg frôle souvent le trouble, le tabou, l’interdit, et c’est tout ce qu’on lui demande aujourd’hui.   (Gols - 18/11/07)


eastpromises_gallery3_416x300Non point qu'en 2008 on ait décidé de dire tout pareil avec mon compère de ce blog - on devrait faire une "première partie bi-bis" -, mais il faut reconnaître à Cronenberg un certain talent pour mélanger à la fois les codes classiques du polar de façon assez roublarde et une grande recherche de l'authenticité, tout en gardant un certain dosage de scènes-clés qui agissent comme des électrochocs. Le personnage de Vigo Mortensen est digne de celui d'Infernal Affair, caractère qui semble littéralement se faire peu à peu phagocyter par le personnage qu'il endosse : la scène impressionnante où Mortensen lutte dans le hammam avec les deux gaziers tchéchènes me donne moins ce sentiment d'une "nudité fragile", comme le disait mon camarade, que l'impression d'un corps musculeux qui se transforme en bête sauvage - on est finalement pas si loin de The Fly - famille mouche tse-tsen (rah ça va, on peut se permettre, l'année commence...). Cronenberg construit véritablement tout son film autour de ce personnage trouble, qui s'est forgé une incroyable carapace et dont l'humanité tend peu à peu à disparaître sous les tatouages ; à côté de cet homme de façade qui bouillonne en dedans, la blonde Naomi Watts a en effet un peu de mal à exister - le baiser qu'ils échangent vers la fin n'est pas, d'ailleurs, à mes yeux, la meilleure idée du scénario tant ces deux mondes qui se côtoient à l'origine par le plus grand des hasards ne sont pas faits au final pour se rejoindre; ce petit côté glamour avec un bébé dans les bras enlève un soupçon d'authenticité à un film qui bénéficie d'une certaine densité et d'une grande tension tout du long. Grande maîtrise tout de même en général dans la mise en scène et dans la direction des acteurs d'un Cronenberg qui vise une certaine épure; il ne peut toutefois s'empêcher deux trois scènes gores (les deux égorgements et la naissance du bébé) qui sont autant de clins d'œil qui lorgnent sur son passé. Sûrement moins novateur, plus abordable aussi que certaines de ses premières œuvres, le film tient quand même toutes ses promesses. Du polar de belle tenue.   (Shang - 07/01/08)

Commentaires
L
Bonjour,<br /> <br /> Je viens de découvrir ce site via Play it again, Sam et j'ai beaucoup apprécié (entre autres) tout cet onglet sur le cinéma de Cronenberg, un cinéaste qui me fascine. <br /> <br /> Bravo et merci pour ce site complet... "pointu et nécessaire". <br /> <br /> Je débute dans la blogosphère, mais j'aime découvrir des pages que je peux considérer comme des modèles.<br /> <br /> Bonne continuation, saches que tu comptes un lecteur de plus !
Répondre
Derniers commentaires