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16 août 2007

L'Idiot (Hakuchi) (1951) d'Akira Kurosawa

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Certes, présentant une première version de 4h30, l'Akira s'est vu couper 1h45 de son film sans même qu'on lui demande franchement son avis. Du coup, il est bien difficile de donner un jugement définitif... Il faut tout de même relever que comme dans Les Bas-fonds, la mise en scène pêche un peu par son côté théâtral, voire figé, et ces longs dialogues  dostoïevskiens finissent par paraître parfois un peu artificiels: et pourtant quand on a Toshiro Mifune (meilleur acteur nippon du monde) et Setsuko Hara (meilleure actrice nipponne du monde), on se dit qu'il y a quand même de quoi se régaler; et ben étrangement pas forcément: Toshiro Mifune (et j'ai un peu honte de dire ça) a un jeu très emprunté et ses coups gueules ou montées en puissance semblent étrangement surjoués (et ça fait franchement de la peine de dire ça); Setsuko a quant à elle peu de scènes, drapée dans son long manteau noir mortuaire et la froideur, voire la dureté de son rôle n'a jamais l'éclat d'une de ses partitions ozuesques; du coup paradoxalement, le couple formé par l'idiot - Kameda -  Masayuki Mori (aperçu souvent chez Mizoguchi) et Ayako, la chtite Yoshiko Kuga (vue dernierement dans Zero Focus) est beaucoup plus attachant et emporte le morceau - l'un jouant vraiment d'un rien (et c'est pas Matt Damon, si je peux en remettre une couche au passage), l'autre variant les sourires charmeurs et les éclats de jeunesse à l'image des ces 4 jolies séquences lors de visites journalières de Kameda où chaque fois elle change d'humeur.


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Bien que d'une durée de 2h45 donc, le film ne propose que très peu de scènes - une grosse douzaine - qui font la part belle aux dialogues du livre; cela manque parfois d'entrain, Kurosawa ne prenant la peine de déplacer sa caméra que de trop rares fois, les figurants quant à eux semblant être dirigés en masse, comme une troupe (vraiment bizarre cette première scène où tous les acteurs principaux se retrouvent... aucun liant). Bon voilà, après ces petites réserves d'usage pour faire le malin, il faut tout de même admettre la magie de "moments suspendus" tel que ce champ/contre-champ à couper le souffle lorsqu'à table Kameda déclare son amour à Ayako: quatre plans d'une seconde, deux regards aussi fixes qu'un clou dans un mur non shangaïen, un ange passe et tout le monde (les quatres autres acteurs présents sur le plateau mais aussi le spectateur (moi donc) mon chien et le petit nouveau Tora, le chat, 2 cm au bas mot) retient son souffle. Kurosawa a également l'art de mettre en scène les trios comme ce joli plan sur les reflets de Toshiro et Kameda qui encadrent au début du film une photo de la divine Setsuko; il atteint presque l'équilibre parfait dans la scène où Toshiro présente sa mère à Kameda, séquence d'une grande limpidité; image impressionnante également que celle de cette silhouette massive sur le pont qui semble fixer Kameda en pleine crise de parano et qui disparaît dans la fumée d'un train à vapeur qui passe en dessous.


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Et puis... on n'a même pas encore parlé de l'histoire elle-même et de cette figure de l'"idiot", trop innocent pour survivre dans ce monde, entourée de ces deux figures féminines antithétiques et attachées chacune à un autre mâle. Si la dernière phrase du film, pleurée par Ayako, est éloquente ("Si nous pouvions comme lui, ne pas détester, mais aimer les autres...") - un point de vue humaniste qui prend d'autant plus de résonance dans ce Japon d'après-guerre -, c'est aller un peu vite en besogne (et pis assez facile) que de s'en tenir à cette seule citation; Dosto et Kuro mêlent dans leur oeuvre l'envie, la jalousie, l'empathie, l'égoïsme, la pureté, la rédemption dans un flot de paroles envoûtant, qui prend parfois une dimension particulière dans ces décors enneigés japonais qui tendent à étouffer les pas mais pas les voix (c'est surtout pour la rime cela dit). Bref, s'il n'y a pas dans L'Idiot le bruit et la fureur de la douzaine de chef-d'oeuvre de Kurosawa, il y a tout de même de quoi cogiter pour une bonne semaine dans cette oeuvre, rappelons-le, tronquée à la base.

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