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16 août 2007

La Flûte Enchantée (Trollflöjten) d'Ingmar Bergman - 1974

Le truc, c'est de tenter de ne pas se laisser bousiller le plaisir par les fautes de goût qui sautent aux yeux ettroll_scen aux oreilles à la vision de La Flûte Enchantée. Elles sont nombreuses : d'abord la traduction éhontée du texte en suédois. On se demande bien ce qui est arrivé à Ingmar pour qu'il trahisse ainsi la langue originale de l'opéra de Mozart ; l'allemand n'est peut-être pas la langue la plus suave qui soit, mais l'opéra avait réussi à lui donner une saveur géniale, entre murmures et violence, que le film en suédois n'arrive que rarement à atteindre. Pour un puriste comme Bergman, ça laisse sans voix. Ensuite, la direction de la musique est assez lourde. Non que je m'y connaisse particulièrement en opéra, loin de là, mais il y a dans cette version un manque de subtilité écrasant, qui empêche la musique de Wolfgang d'exprimer toute sa largeur, toutes ses nuances. Enfin, il faut résister aux fous-rires à la vision des acteurs, kitchissimes, à commencer par Pamino, peroxydé et fade comme un jeune puceau de téléfilm français. Le pire carnage, c'est Papageno, jamais drôle, jamais attachant, assez mochasse et très mauvais comédien.

magicfluteBon, si on passe ces défauts, donc, on tombe sur une petite merveille. Bergman réussit haut la main un challenge énorme, en mélant avec une intelligence totale artifices théâtraux et langage cinématographique. Jamais on ne sort réellement du théâtre, mais jamais non plus on n'assiste à une représentation filmée. C'est que la grammaire cinématographique du gars est plus que jamais en place : il y a là-dedans quelques gros plans qui sont parmi les plus beaux du gusse, et il utilise l'espace scénique comme s'il disposait d'un décor de 40 km carrés. Pourtant, tout y est pour "faire théâtre" : la présence des spectateurs lors de l'ouverture, et lors de discrets inserts qui jalonnent le film ; les lumières directes ; l'utilisation des coulisses (y compris lors de l'entr'acte, où les comédiens fument des clopes et jouent aux échecs ensemble) ; les machineries (absolument adorables) deflu016 décors et d'accessoires ; jusqu'à une scène où les animaux de la forêt sortent des coulisses sous le charme de la flûte (il y a même un morse...), renversante par son utilisation des trucs théâtraux les plus classiques. On est bien dans l'opéra à l'ancienne, et Bergman est à l'aise comme un poisson dans l'eau dans la naïveté enfantine, dans la fascination pour ces vieux trucs faits de poulies et de fausses perspectives. Du coup, la musique de Mozart retrouve la fraîcheur qu'il faut, et on est souvent très ému par ce spectacle de gamin. Le sommets sont atteints avec une superbe scène de neige artificielle et l'arrivée des trois bambins dans une mongolfière à la Jules Verne du plus bel effet. Bergman s'amuse beaucoup, et nous avec, même s'il n'oublie pas de teinter son deuxième acte d'une inquiétude sombre, d'une tristesse amère. Son principe cinéma/théâtre lui permet de placer ses acteurs à 2 centimètres les uns des autres, et à les faire se flu280murmurer mots d'amour et déclarations de haine dans un ton pas si loin de Persona par exemple. Les acteurs ne forcent pas la voix, ne grimaçent pas, jouent "cinéma", et c'est tant mieux. Sarastro, dans ce sens, est parfait de sobriété. Au bout du compte, on a l'impression que cet énorme dispositif est minuscule, et que les chanteurs jouent pour nous (grâce aussi à de nombreux regards-caméra bien sentis).

Un film d'une fraîcheur revigorante. Et dire qu'on voudrait nous faire croire que Bergman est mort...

l'odyssée bergmaneuse est là 

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