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Shangols
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19 juillet 2007

LIVRE : La Moustache d'Emmanuel Carrère - 1986

moustacheC'est bien l'une des premières fois que je suis tenté de lire le livre après avoir vu le film, processus intéressant d'autant qu'il s'agit d'une adaptation et d'une réalisation par l'auteur lui-même.  Si Carrère garde presque à la virgule près la plupart de ses dialogues (normal pour un écrivain me direz-vous?), il insiste plus longuement dans le livre sur les pensées de son narrateur vis-à-vis d'un complot à son encontre, cette douce et longue réflexion sur l'attitude indifférente de ses proches à son égard qui va le plonger dans le désarroi. Quoi de plus déstabilisant que de voir sa vie se "détraquer", se "désagréger" peu à peu, uniquement à cause du regard des autres sur soi-même, un regard et des propos qui ne coïncident soudainement plus avec sa propre vision de la réalité ? Folie, paranoïa, schizophrénie, est-ce le mal d'un siècle où l'individu a de plus en plus de mal à trouver lui-même ses propres repères? Comment échapper à cet étau qui se referme peu à peu sur le narrateur, d'autant qu'il demeure persuadé d'être sain d'esprit? Le film et le livre ont pratiquement le même déroulement avec cette "échappée belle" à Hong-Kong et ces interminables allers et retours en ferry.

Seule la toute fin diffère (si vous n'avez point lu le livre, autant vous arrêter là) puisque dans le livre le héros décide après s'être tailladé violemment la lèvre supérieure de se trancher la gorge, "tendu et apaisé par la certitude que maintenant tout était fini, rentré dans l'ordre". Fin en soi beaucoup plus pessimiste et tragique (et forcément moins ouverte - moins intéressante? peut-être même) que celle du film qui laisse planer un doute sur l'état d'esprit du héros lorsqu'il reprend sa place dans le lit conjugal comme si de rien n'était: accepte-t-il alors la folie du monde? ou le fait que l'on ne puisse jamais connaître complètement son prochain et vice versa? ou encore celui qu'il s'agisse d'un monde où l'indifférence a triomphé? voire même que rien n'a de sens  (ce qui demeure assez dramatique, certes...) et qu'à partir de là mieux vaut ne pas chercher à comprendre pour garder son intégrité mentale? Que de questions pour une simple moustache, c'est là tout l'intérêt de cette oeuvre double de Carrère.

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