Rêves (Dreams) d'Akira Kurosawa - 1989
Esthétiquement, Dreams est une splendeur. L'écran est littéralement envahi de beauté, que ce soit dans les scènes lumineuses (éclatement des couleurs, des fleurs, de l'eau, dans des verts et des jaunes sublimes) ou dans les scènes sombres (des gris et des bleu-métal parfaits). On sent que Kurosawa aime passionnément la nature, et une telle maîtrise de la photo laisse pantois. Cela dit, on est tout de même en droit d'attendre un peu plus d'un film. Et là, ça achoppe.
Il ne faudrait pas quand même que AK nous prenne pour des andouilles. Dreams est totalement privé de fond, si ce ne sont ces réflexions confondantes de naïveté sur les ravages de la bombe atomique ou ces leçons de morale sur la vie saine (on est proche de la scientologie tout de même). Le dernier rêve, entre autres, est affreux, avec cette morale à deux balles et cette vision disneyenne de la sagesse. Non, Akira, ce n'est pas ça la sérénité de la vieillesse ; ça, c'est de la sénilité, ça m'arrache le coeur de dire ça d'un des plus grands réalisateurs mais bon. Le sage épure (allez voir le dernier spectacle de Peter Brook, Sizwe Banzi est mort), le vieux radote.
Bon, trois séquences sont toutefois très belles :
- "La tempête de neige", qui rappelle les fulgurances rythmiques et esthétiques de Dersou Ouzala, magnifique errance dans la glace, clin d'oeil aux films de fantômes chinois en même temps qu'école de mise en scène. Tout, images, sons, rythmes, est au service de la poésie la plus puissante.
- "Le tunnel", séquence mélancolique et glacée sur le temps qui passe et la mort, là aussi très bien traitée au niveau des sons (les pas dans le tunnel, le chien-cerbère) et au niveau du rythme. Séquence très triste et touchante.
- "Le Mont Fuji en rouge", émouvant hommage aux films de l'époque Honda (Godzilla traîne pas loin), et histoire glaciale, superbe.
A part ça, une symbolique très très lourde, des personnages qui laissent à désirer (Akira a une vision de Van Gogh franchement hilarante), et une manière assez gênante de filmer pour soi. Les rêves de Kurosawa sont bien plats...
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