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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 septembre 2022

L'Enfant (2005) de Luc et Jean-Pierre Dardenne

lenfant_1_"Mais qu'est-ce que ça te fait [que je vende l'enfant] ? C'est pas grave, on en fera un autre !"

2 frères, 2 palmes qui à chaque fois ne sont pas volées tant la maîtrise qui est la leur à faire du cinéma sans cinéma, de garder une image réaliste voire naturaliste constamment belle,  d'être capable d'obtenir une telle fluidité au cadre (Alain Marcoen, directeur de la photo et Benoît Dervaux, cadreur, chapeau bas et j'y reviens), tant cette maîtrise donc n'est pas le fruit du hasard mais le résultat d'un énorme travail. Avant de revenir sur quelques aspects du film, quelques mots donc du cadreur qui prouve que dans un grand film, le moindre rouage n'est pas laissé au hasard, qu'il n'y a aucun bras cassé dans toute l'équipe. "Dans Le Fils, la caméra était à la place de l'esprit du fils qui regarde son père. Dans L'Enfant, la caméra se fait plus spectatrice, elle est plus distante, plus en retrait comme si la consciencel_enfant_1_ du personnage principal (Bruno joué par Jérémie Renier) l'avait lâché". Ben ouais, et en plus, plus ou moins consciemment, cela se sent : la caméra, sans prendre partie, laisse le spectateur légèrement en recul ; alors qu'il faisait corps avec Rosetta, et qu'il flottait autour du père dans Le Fils, il se retrouve cette fois-ci moins "poussé" a ressentir une certaine empathie pour Bruno. (Ben ouais, il vend son enfant quand même).

Juste en passant car beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce film, juste quelques plans et quelques idées : le personnage de Bruno passe une bonne partie de son temps, au début, à pousser le landau et, à la fin, le scooter qui a crevé... Son chemin de croix est long (forcément car il n'est pas capable de cogiter tout seul et se laisse lui même bercer par ses propres mensonges -énorme séquence lorsqu'il s'excuse) et tel un bousier avec sa crotte ou Sisyphe avec son rocher (ça dépend si on est plus Microcosmos ou Camus), il semble s'engager plus ou moins dans un combat contre les éléments et lui-même en vue d'obtenir une quelconque rédemption - si jamais cela est possible. Superbe scène encore lorsqu'il s'endort dans un carton qui ressemble étrangement à un cercueil (mort morale ?) ou encore lorsqu'il coule avec son compère de 14 ans, se cachant de la police dans une rivière. Longue descente en enfer que 2-3 éléments viennent à peine souligner. La scène de la poursuite en voiture lorsqu'ils viennent de voler un sac à l'arrache est d'une densité frauduleuse (si, c'est le mot) qui n'a d'égal dans la virtuosité que celle de ses jeux puerils -la partie... de poursuite- avec son amie. Enfoiré de cadreur !

lenfant374_1_Un mot tout de même sur les acteurs (les deux Jeremie (Renier et Segard) et la chtite Deborah François - pas revue depuis, dommage) sans parler d'Olivier Gourmet, fugace mais dense, et des 40 nourrissons (Ah ouais les Dardenne quand ils disent un bébé de 9 jours, ça déconne pas, faut qu'il reste à neuf) qui donnent dans leur interprétation toute la profondeur au film. Ça c'est un jeu naturel, de Diou de Ricains !!!

Bon je suis scié de toutes façons, que dire de plus ? J'échangerais bien 2 "Johnny" contre un "Dardenne" en France ? Oui, non, c'est couillon.   (Shang - 23/05/06)


 Sans titre

Les frères Dardenne, souvent copiés, jamais égalés, réalisaient en cette année 2005 leur meilleur film, tout simplement. L'Enfant semble réunir tout ce pour quoi on les a aimés si fort, et porter le tout à un point d'incandescence que leur cinéma a souvent visé, parfois frôlé, mais jamais atteint comme ici sur toute la longueur du film. L'émotion y est constante, mais ne déborde jamais l'intelligence formelle et scénaristique : il s'agit de se positionner en tant que public par rapport à ce personnage aberrant, capable de vendre son bébé mais capable aussi d'un véritable amour pour sa blonde, capable de rédemption, capable de tendresse, véritable adolescent amoral et énervant d'aujourd'hui et vrai enfant perdu également. Pour nous aider à ce positionnement, les brothers montent autour de lui tout un procédé de distanciation/empathie très savant et très subtil. Avec leur objectivité légendaire, augmentée par ce filmage à l'épaule dont ils semblent être les inventeurs tant il est parfait, ils nous montrent ce Bruno dans tous ses états, les plus condamnables (fainéant, sans morale, exploiteur, pas malin, geignard) comme les plus beaux (joueur, drôle, amoureux), fabriquant avec une maîtrise et une intelligence totale un être qu'on ne peut condamner ni aimer totalement. Un vrai être de chair et de sang, et jamais on n'avait eu autant cette impression dans le cinéma pourtant génial des frères : on a déjà croisé Bruno dans la rue, le mec existe réellement. Le film, (qui entre parenthèses n'a pas pris la moindre ride aujourd'hui) est un modèle de subtilité et si symbolique il y a (beaucoup aimé aussi ce jeu de Bruno consistant à sauter de plus en plus haut sur un mur, comme pour se prouver qu'il est "un grand"), elle est discrète, amenée sans ostentation.

Sans titref

Il faut revenir sur les acteurs, absolument faramineux de naturel, et revenir aussi sur la construction du scénario, qui parvient à rester au ras des trottoirs gris de la Belgique profonde tout en rendant hommage au polar, au mélodrame social ou au film à suspense (la scène de braquage est impeccable), qui parvient à rendre "signifiant" un dialogue très fonctionnel et a priori banal. Bref comme le disait mon tout jeune camarade (c'est un des premiers textes de Shangols), tout le monde selon sa place exerce son talent particulier, et celui-ci est total. Un chef-d’œuvre, osons le mot.   (Gols - 01/09/22)

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