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24 février 2024

A Cappella (한공주) de Lee Su-jin - 2014

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De retour de festival (bon sang, j'ai 19 films à commenter, je m'en sortirai jamais), j'en reviens avec quelques beaux petits trucs, à commencer par ce A Cappella de très bonne facture. Beau n'est d'ailleurs pas vraiment le bon terme, tant Lee ramène de sa Corée natale une image absolument monstrueuse. A l'en croire, le pays est un chaos de violence, d'humiliations, de dominations, de corruption, qui piétine allégrement toute trace d'innocence. C'est en tout cas l'épreuve que va subir la jeune Han Gong-ju, lycéenne qui débarque au milieu du film dans un nouvel établissement, hantée qu'elle est par un passé que le film va patiemment nous faire découvrir. La belle subtilité du regard de Lee, c'est que pendant un moment, on a l'impression que cette fille assez mal aimable avec son mutisme, sa solitude qui passe pour du snobisme, son côté un peu masochiste, est coupable d'une faute qu'elle doit expier à grands coups d'épreuves (brutalité de ses camarades, mépris de sa logeuse) ; or les multiples flash-back qui rythment le film vont nous prouver le contraire : elle a en fait été victime d'une bande de caïds qui l'ont violée à la chaîne lors d'une soirée. "Faute" qu'elle doit effectivement expier, car en Corée (et ailleurs ?) on préfère cacher les prédateurs sexuels et éloigner leurs victimes plutôt que d'avouer clairement les choses. Scandale que le film s'efforce de compenser par une mise en scène frontale, qui ne se cache pas derrière ses doigts dans les moments les plus tendus : la scène traumatique du viol est filmée toute crue, sans aucune complaisance, amenant subitement dans un film plutôt calme une violence très forte qui marque la rétine.

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Pour en arriver là, Lee use d'un ton remarquable, dénué du moindre manichéisme, d'une mise en scène sobre et faussement simple qui donne toute leur place aux comédiens (excellents). Presque doux, baigné d'une lumière apaisante, A Cappella pourrait être un de ces trucs mièvres et roses que les Coréens produisent parfois ; ce n'est que peu à peu que le ver apparaît dans la pomme. Un peu perdus au départ par le dispositif du film, qui mêle passé et présent avec un peu trop de confusion gratuite, on adopte vite ce rythme étrange, et on plonge dans l'enfer ordinaire les deux pieds en avant. Le dernier quart d'heure est déchirant, alors même qu'il évite soigneusement le mélo et les grandes orgues : le réalisme de la mise en scène a fait toute la différence, on croit dur comme fer à ce personnage malaisant et jamais à sa place, et on souffre avec elle. C'est tout le talent de Lee Su-jin de nous avoir fait éprouver cette empathie sans jamais être juge ou moraliste : c'est juste la vérité toute crue, la triste vision d'une société pourrie. Glaçant.

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