Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 février 2024

Club Zero de Jessica Hausner - 2023

646bccf5dc704_157741

Les cinéastes autrichiens ont toujours une façon bien à eux de vous glacer le sang tout en se cachant derrière des dispositifs hyper-rigoureux et quasi-objectifs. Hausner semble de ce point de vue-là avoir suivi les cours de Haneke, et nous offre un film coup-de-poing, qui a secoué les puces du festival de Cannes et fait s'évanouir Télérama, c'est toujours bon signe. Club Zero raconte une emprise, celle qu'une jeune prof en manque de reconnaissance exerce sur un petit groupe d'adolescents ayant choisi son option : l'alimentation consciente. Une manière de convoquer toutes les angoisses actuelles (l'écologie, l'alimentation, la souffrance animale, le soin de soi-même, la pensée positive...) en se concentrant sur ce qu'on mange. En gros, on regarde pendant 2 minutes son haricot vert avant de le mettre en bouche et de le mâcher pendant 10 minutes. Cette activité à priori innocente et bienfaisante pour ces jeunes gens un peu paumés se transforme peu à peu en activité sectaire, la prof induisant subtilement en eux l'idée que l'alimentation est inutile, qu'on peut vivre sans manger et faire ainsi partie du mythique "Club zéro", un groupe d'élus ayant réussi à se passer de nourriture. Complètement sous le joug de cette prof douce et sûre d'elle, nos élèves vont se retrouver non seulement malades mais aussi isolés au sein d'une société qui ne les comprend pas et qu'ils considèrent comme une ennemie.

poster_197676

Avec un sadisme qui ne se cache absolument pas, Hausner filme froidement cette petite société déconnectée du réel, impossible à sauver, et montre la lente déréliction de leur santé, physique et mentale. Le plus rageant est qu'on ne peut rien opposer à cette folie douce, qu'elle s'appuie sur des arguments valables, sur une façon d'aborder la science certes déviante mais difficile à réfuter. Les motivations de la prof, interprétée avec une sobriété qui finit par faire peur par Mia Wasikowska, restent opaques, tout comme son personnage, tout de bienveillance en surface, mais monstrueux en profondeur. Le filmage, tout en plans généraux très "aquarium", commence certes à avoir fait son temps pour montrer le plus objectivement possible cette domination progressive, et on peut être fatigué par cette forme très attendue. D'autre part, le film se montre malheureusement trop souvent supérieur à ses sujets, regardant ses personnages avec ironie (il est finalement assez drôle, mais d'un humour très froid), en les jugeant, sans se cacher de son opinion sur eux : c'est sa limite, et c'est ce qui le rend un peu gênant. Mais Hausner sait indéniablement filmer, et réussit quelques audaces que n'aurait pas reniées un Buñuel ou un Ferreri ; comme ce dernier plan longuissime qui reconstitue autour d'une ado anorexique une sorte de Cène païenne, avec dans le rôle des apôtres les parents désemparés, et dans celui du Messie cette jeune file convaincue d'avoir trouvé la solution pour sauver le monde. C'est grâce à des plans de cette puissance que Club Zero finit pas acquérir sa force et sa cohésion, et grâce à sa belle progression de scénario façon spirale. Un film qui a du chien, qui interroge en tout cas, mais qui donne trop vite les réponses à ses questions.

x1080

Commentaires
Derniers commentaires