Le Mystère de la Vallée blanche (The Valley of Silent Men) (1922) de Frank Borzage
On va bien finir un jour par en faire le tour de l'ami Borzage (l'une de nos toutes premières odyssées), chaque année les Ricains ayant la bonne idée d'exhumer un incunable du sieur... Plusieurs questions métaphysiques seront posées ici. N'est-il pas idiot de confesser un meurtre que l'on n'a pas fait juste avant de mourir et finalement de ne pas mourir ? Un petit verre de gnôle peut-il éviter d'affronter la mort ou peut-il simplement la faire reculer ? Faut-il s'encorder en montagne sachant que lorsque l'un des deux tombe dans le ravin cela peut sonner le glas des deux petits malins ? Je vous rassure, je vous mène sur quelques fausses pistes juste pour le plaisir. N'empêche que cette petite découverte borzagienne fut encore une fois un vrai plaisir, notre cinéaste se révélant, comme personne, capable de nous remplir les poumons d'air pur.
D'entrée de jeu, nous voilà face à ce paysage superbement enneigé, ce grand territoire dans lequel on distingue, à peine, un trappeur, un homme de loi, un individu traqué... Dès le départ, des coups de pétard vont retentir dans cette immensité froide et les imbroglios vont s'enchainer... Notre homme de loi, appelons le Kent, blessé, trouvera refuge chez ce fameux trappeur qui l'avait déjà sauvé par le passé... Un homme, mort, git chez notre ami trappeur qui va forcément se voir accusé dans la foulée du meurtre par d'autres représentants de la loi de passage... Pour sauver son pote, Kent s'accuse du meurtre... Tout le monde se doute bien que ce ne sont ni le trappeur ni Kent les tueurs et le suspense de rester entier... C'est le moment que choisit une jeune femme (Alma Rubens as Marette) pour faire son apparition : elle, elle sait, oui elle sait, et semble avertir les uns et les autres d'un autre meurtre dans l'air... Mais n'en disons pas plus... Marette et Kent, réunis par un curieux destin, auront le coup de foudre et devront confronter leur amour aux sommets de ces blanches montagnes...
De l'aventure du grand nord, des flingues dégainés à bout de bras, du suspense, du polar, du mystère, de la romance, du malade (c'est l'un des topoï de l’œuvre de Borzage - on le sait, c'est ma marotte) et encore une petite dose de grand nord comme ultime glacis... Les images ont à peine gardé ici ou là quelques rayures, les teintes sont merveilleuses, une poignée d'intertitres finement ciselés permet de combler avec talent les quelques bouts de bobines manquantes et on est plongé dès les premières secondes dans ce récit d'aventuriers et de mystérieuses vengeances. C'est, dira-t-on de façon totalement subjective, du beau boulot, chaque personnage étant clairement dessiné, notre héroïne montrant du caractère et le spectacle de ces magnifiques panoramas montagneux apportant un indéniable souffle à l'ensemble. Borzage ? Que du bonheur.