SERIE : Fargo saison 5 de Noah Hawley - 2024
Miraculeux retour d'une des séries les plus réussies du monde, réjouissons-nous. Comme d'habitude, les créateurs de Fargo redistribuent entièrement les cartes pour cette nouvelle saison, qui raconte une nouvelle histoire dans un nouveau décor. Toutefois, il y a indéniablement un socle commun à toutes les saisons : la violence, l'humour, un méchant psychopathe, des gens ordinaires plongés dans un bain extraordinaire, la puissance symbolique des personnages, la neige. Voilà qui renoue donc avec la matrice qu'est le film de frères Coen, et bien que les intrigues n'aient plus grand-chose à voir avec le modèle d'origine, on reste dans un univers homogène et reconnaissable.
Après une saison 4 vraiment puissante et solennelle, on revient dans une histoire de pur divertissement. On y perd un peu, c'est vrai, et cette saison se regarde nonchalamment, amusé mais pas captivé par les aventures de cette femme banale rattrapée tout à coup par son passé. Dorothy/Nadine (Juno Temple), femme au foyer ordinaire, subit en effet une tentative d'enlèvement de la part de malfrats, et règle le problème en véritable ninja, et non sans tacher la neige de sang frais. Qui est-elle ? Comment une aussi frêle et charmante jeune femme est-elle ainsi rompue à la survie ? Tout s’éclaire lorsque apparaît son ancien mari : le shérif Roy Tillman est une brute masculiniste à l'ancienne, et fera tout pour se venger de l'abandon, puis de la disparition de cette femme qu'il vient de retrouver malgré ses changements d'identité et de vie. Le duel entre ces deux se complique avec l'apparition de maints personnages hauts en couleurs : l'actuel mari de Dorothy, gentil petit mec naïf ; sa belle-mère (Jennifer Jason Leigh, on est bien content de la retrouver), salope intégrale vénale et méprisante ; un tueur comme d'habitude exotique et terrifiant, vaguement vampire sur les bords ; le fils du shérif, matamore mais loser intégral ; et toute une palanquée de flics dépassés mais courageux, qui vont tenter de garder tout ça hors du chaos total. Inutile de dire qu'ils ne vont pas y arriver.
Les auteurs ont peut-être la main un peu lourde cette fois-ci dans le dessin des personnages : la belle-mère immonde ou le mari candide sont un brin trop caricaturaux, et empêchent l'histoire d'être un tant soit peut crédible. Le scénario, d'autre part, piétine un peu, se contentant de répéter à l'envi des scènes d'attaques envers Dorothy et sa famille, certes très joliment réalisées et très fun, mais trop répétitives. Peut-être la multiplication des "méchants" empêche-t-elle de frémir vraiment pour l'héroïne : trop cartoonesques (le tueur étrange), trop improbables (le fiston), ils se montrent d’entrée de jeu incapables de mettre la main sur elle, qui se montre par ailleurs diablement inventive pour déjouer leurs sombres desseins. Mais par-dessus tout ça surnage le formidable personnage de ce shérif empli de valeurs réactionnaires, candidat politique d'extrême-droite, convaincu de ses valeurs masculinistes, racistes et patriarcales. Voilà le personnage réellement effrayant de la saison, et les auteurs ne se cachent pas de leur référence ; il y a beaucoup de Trump dans cet homme-là, et la sorte de révolte citoyenne qu'il parvient à déclencher dans les derniers épisodes, se retranchant derrière une armée civile et patibulaire, rappelle certains épisodes récents de l'histoire américaine. Ses rapports avec son fils donnent de belles choses qui convoquent la tragédie grecque, et on apprécie également les ambiances mortifères de la fin de la série, qui verse plus dans un ton solennel qui colle bien avec le ton général de Fargo. Voilà : les méchants sont comme d'habitude plus réussis que les gentils. On regarde en tout cas cette saison 5 avec amusement, toujours entrainé dans cette narration sans cesse surprenante et fun en diable. Vivement la 6.