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21 novembre 2023

LIVRE : Fuck Up (The Fuck-Up) d'Arthur Nersesian - 1991

50326a6ce68afb58b9c33e5e4091bb91afd9d39590f22ba299bf456cbaa01f2dRoman culte paru il y a 30 ans aux États-Unis en auto-édition, Fuck Up nous arrive aujourd'hui traduit en français dans l'édition soignée de La Croisée, et préfacée par Dominik Moll, qui eut le privilège de travailler avec l'auteur dans les années 80. Il y a comme ça des auteurs (Rhinehart, Martinet, Toole...), inconnus et oubliés, qui sont capables de vous transpercer de génie à travers les années. Bon, reconnaissons-le : ce n'est pas tout à fait la cas avec Nersesian. Certes, son livre est délicieux, et s'inscrit dans le sillage de tous ces auteurs qu'on adule, les Fante, les Bukowski, les Selby, tous ces gusses qui ont changé notre vision de la littérature à un moment donné. Il n'atteint toutefois jamais leur génie.

C'est l'histoire désormais assez balisée du quotidien morne et sans espoir d'un écrivain raté, trainant sa lose-attitude dans les petits quartiers de New-York, et y croisant la faune de ses contemporains tout aussi perdants que lui. Vivant d'expédients minables, mettant très vite de côté ses principes moraux, ses grands sentiments et même sa sexualité, notre mec va de plans foireux en projets minables, de femmes alcoolos en petits boulots louches. Il devient à un moment gérant d'un cinéma porno gay, rêve de grandeur en piquant dans la caisse, trouve un plan de gardien d'appartement d'un réalisateur sur le retour, frôle le succès avec un poème écrit sur un coin de table publié par une obscure revue, mais finit toujours par se casser la gueule sur le bitume, par retrouver les foyers minables et les potes douteux qui vous hébergent pour une nuit. Une vie d'inadapté, quoi, balancé dans le monde moderne des années 80 où la course est rude pour accéder au respect de soi-même. Vous voyez la veine ? Nersesian la suit sagement, balançant quelques pages bluesy à mort, traînant un humour noir comme d'autres promènent une dépression profonde, et réussissant un portrait de la ville parfaitement pertinent : on a les deux pieds dedans, plutôt dans sa partie bas-fond que dans sa partie clinquante. Avec un style désabusé, un peu jazzy, le gars nous décrit avec authenticité la vie de ces pauvres types (dont il a dû certainement faire partie, vue la sincérité de la chose) à qui rien ne réussit, et qui s'en sortent avec cynisme et amertume. Depuis la première scène (un gars qui contemple hébété sa flaque de vomis) jusqu'à la fin, tragique de façon assez inattendue, il y a peu d'occasions de s'éclater dans ce texte entre gris clair et gris foncé. Pourtant, on se marre bien souvent devant ces aventures pendables, ces dialogues absurdes ou ces personnages improbables, qui ont tous l’authenticité qu'il faut. Le texte venant après les grands romans fondateurs de la lose américaine, on ne se passionne pas complètement pour la chose, et on se dit que Fuck Up arrive trop tard. Mais on aura quand même passé un excellent moment.

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