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21 novembre 2023

The House (Skinamarink) de Kyle Edward Ball - 2023

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En vérité, je vous le dis : l'avenir du cinéma d'horreur réside dans l'expérimental. Croyez-en mon expérience : les plus beaux films d’horreur que j'ai vus récemment sortaient tous du cinéma d'essai le plus pointu (Begotten, Der Todesking, The Smiling Man), et il me semble qu'il faut que le genre quitte les circuits commerciaux pour avoir encore quelque chose à dire et à faire éprouver. Une nouvelle preuve vient de nous arriver avec cet étrange Skinamarink, expérimentation insaisissable et sensorielle parfaitement réussie. On ne sait pas trop ce qui est exactement inquiétant là-dedans, pourquoi on a ce sentiment indicible de malaise, de tension, d'attente ; mais pourtant il est là. A peu près dépourvu de trame (on comprend peut-être vaguement que des enfants se retrouvent seuls dans une maison, et que celle-ci est encore chargée des fantômes de leurs parents... mais peut-être pas du tout), sans acteurs non plus (juste ça et là, rarement, une vague silhouette), le film ne fonctionne que sur des influx, des sensations, des possibilités de peur. C'est une succession de plans "objectifs", comme si on avait balancé une caméra au hasard dans les pièces de cette maison, et qu'on avait monté à la suite cette série de plans décadrés, montrant là un pan de mur, là un bout de plafond, là une chambre déserte, là un objet en gros plan. Le vide de ces cadres, ainsi que leur fixité, induit une inquiétude latente, assez impressionnante. Il faut dire que tout cela est appuyé par un travail sur le son vraiment puissant, symphonie de bruits, de chocs sourds, de voix inquiétantes, de souffles, qui forment peu à peu un univers infernal. Rien ou presque ne fait peur là-dedans : à peine voit-on un objet bouger bizarrement, à peine nous envoie-t-on un ou deux jump-scares (d'ailleurs assez ratés), à peine nous induit-on le thème de la maison hantée par cette voix murmurée. Et pourtant, on est réellement tendu vers ces images moches et mal cadrées, dans l'attente d'un truc qui va se passer, d'un machin qu'on verrait passer dans l'écran, presque par hasard, fugacement. C'est la platitude des images qui induit ça : le film a l'air d'être filmé au hasard, sans metteur en scène, et cette objectivité est la porte ouverte à tous les fantasmes. Dans un procédé aussi privé d'affect, tout peut arriver. C'est comme si ces plans aléatoires se créaient d'eux-mêmes, ou comme si des caméras de surveillance les produisaient, le point de vue n'étant jamais vraiment défini : un Dieu extérieur, la maison, un metteur en scène, la psyché des enfants, pourraient tout aussi bien les créer.

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Alors, oui, je vois ce que vous allez m'objecter : sur 1h30, c'est pas un peu long ? Eh bien, si, beaucoup trop, et le film aurait vraiment gagné à être réduit à un court-métrage. En 15 minutes, on a compris le principe, et il ne bougera plus d'un iota jusqu'à la fin. La longueur du métrage n'ajoute rien au schmilblick, et peu à peu on se désintéresse de la chose. N'empêche : dans son principe, le film est super intéressant, et creuse une veine initiée par les films à la Paranormal Activity, en le poussant jusqu'à son plus extrême point d'abstraction. Filmer le vide, et montrer à quel point il peut être inquiétant. Objets, avez-vous une âme ?, disait l'autre : en voyant ce téléphone jouet effrayant dans son immobilité enjouée, en regardant cette lampe (elle a bougé ou c'est moi ?) à la présence dérangeante, en contemplant cet escalier banal ouvrant sur une réalité qu'on est le seul à fabriquer, on se dit que oui, ils ont une âme, et qu'elle est bien effrayante. Skinamarink arrive à mettre des images et des sensations sur cette idée que le monde, sans nous, développe une vie propre et que ce monde invisible nous veut du mal. Fascinant et novateur : j'adhère.

Sans titre

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