LIVRE : Il écrit de Mathieu Lindon - 2023

Une idée, un livre. Pour répondre à la troublante question "Pourquoi écrivez-vous", Lindon met en scène son alter ego (oui, plus ou moins, soyons franc) face à un magistrat. Peut-on "se justifier" d'écrire comme on pourrait essayer de "justifier" un meurtre ? N'est-ce pas en soi tout autant difficile, pour ne pas dire une gageure ? Forcément, c'est là tout le petit jeu de la chose, et le narrateur de s'enfoncer dans ses imprécisions, dans ses contradictions, dans ses hésitations... Car écrire, on le sait, c'est à la fois tellement personnel, tellement indéfinissable, tellement difficile à expliquer que l'exercice ne peut virer, en l'espèce, en ces circonstances, qu'au cauchemar... Guère aidé par un avocat qui fait de la lèche et par des magistrats (l'une, revêche, étant remplacée par une autre guère plus ouverte), notre écrivain, comme pris sur le fait, pour ne pas dire en flagrant-délit d'absence de réponse ferme, peine à démêler le pourquoi du comment, s'enferre dans des définitions de plus en plus flous, prenant presque un certain plaisir à se contredire lui-même... Car écrire, c'est tout et rien, c'est autant pour vivre que pour mourir en un sens - à partir de là, tout est valable, même si ce manque justement de barrière, de limite, peut facilement constituer une sorte de crime (pas seulement de lèse-majesté) aux yeux d'un juge un brin obtus. Bon, Lindon distille quelques citations bienvenues, tente de relancer chaque jour la machine par rapport à ces magistrats prenant un certain plaisir pervers à torturer l'homme de lettres dans ses travers et ses absences de certitude, mais livre au final un petit opuscule, tout en partant d'un principe plutôt original, qui tourne vite un peu en rond. Un bel exercice "d'auto-réflexion à la dérive" qui ne livre tout de même que peu de saillies véritablement remarquables. Passable - mais on est à la limite de la condamnation...