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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 novembre 2023

Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese - 2023

Sans titre

Comme tous les grands cinéastes, Scorsese, en vieillissant, abandonne ses acrobaties et ses prouesses passées pour nous livrer un film d'un classicisme délicieux, vaste fresque plus proche des chiants Aviator ou Gangs of New-York que du virtuose Casino. On y perd certes en style, et on aura du mal, formellement, à retrouver dans Killers of the Flower Moon le Scorsese qu'on a tant aimé jadis. Mais on y gagne réellement en puissance et en intelligence d'écriture (et en clarté de montage, ceci dit pour faire plaisir à Shang). Si on aura que très peu de flash-back incroyables, de montage musical effréné ou de caméras hystériques là-dedans, on reconnaît pourtant incontestablement la patte du judéo-chrétien éternel : le film est un Scorsese ++ dans sa façon de se flageller par le biais de la grande histoire américaine. Le film est un exercice de rédemption, une tentative d'excuse pour la violence, qui passe par l'acte violent par excellence, celui qui a fondé l'Amérique : le massacre des Indiens. En l’occurrence, le film arrive dans un territoire qu'on n'attendait pas, et nous propose un contexte complètement ignoré : celui du peuple Osage, des Indiens qui ont fait fortune en trouvant sur le territoire de leur réserve du pétrole. Peuple qui a été massacré tout autant que ses frères des autres tribus, puisque les blancs, connus pour leur cupidité, se sont empressés de les assassiner en bonne et due forme pour profiter de leur trésor.

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Pour représenter iceux, voici le candide Ernest (Di Caprio, impressionnant bien sûr, sauf dans le dernier tiers, où il tente une imitation de Brando un peu lassante) qui débarque, attiré par la gain, chez son tonton William (De Niro, impérial de bout en bout). Très vite, nos deux garants de la famille blanche se liguent, sous la férule de l'aîné : épouser la plus riche des Indiennes, Molly (Lily Gladstone, la révélation du film, une présence extraordinaire), puis peu à peu décimer tous les obstacles qui se dressent entre eux et son précieux pactole, c'est-à-dire ses sœurs, mères et beaux-frères. C'est une série d'assassinats impitoyable qui débute, avec tonton William en grand marionnettiste de la chose et Ernest en victime attentiste / complice immonde. Plus ils s'enfoncent dans le crime, plus on est tendu vers le visage de Di Caprio, y cherchant quelque trace de culpabilité ; et plus on est happé par celui de sa femme Molly, en attendant qu'elle réagisse aux exactions de son mari, effrayé en même temps que convaincu qu'en matière de morale, on peut pousser très loin le machiavélisme avant de perdre ceux qu'on aime. Un fantastique suspense intime, finalement, la résolution de la chose tenant plus sur les relations très ambiguës de ce couple que sur la trame criminelle. On sait bien en effet que les Osages sont voués à l'élimination, que les blancs gagneront en fin de compte, et que l'Amérique se construira sur la pire violence. Mais quant à savoir quand Molly se décidera à conspuer son mari, il faudra attendre.

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Franchement le film est génial, malgré les sarcasmes anti-Scorsese que j'attends déjà en commentaire. Dans une mise en scène ample, avec un souci du détail de chaque instant, le cinéaste bâtit une immense odyssée pleine de bruits et de fureur, écrivant des personnages immédiatement immortels. Cette Molly fait sûrement partie de ses meilleures créations féminines, et la trame, qui révèle tout un pan ignoré de l'histoire américaine, est passionnante. On ne s'ennuie pas une seconde durant les 3h30 de projection, happé par cette narration nerveuse mais maitrisée, cette utilisation de la musique toujours géniale, ce talent pour constituer des tableaux visuellement forts et d'un lyrisme flamboyant (ici, un incendie, point d'orgue du truc,), ce mélange entre l’intimité la plus ténue et les grands élans historiques, cet humanisme fort allié à une ironie cynique et à un pessimisme noir, ce génie de direction d'acteurs, cette originalité de certaines séquences (les très courts flash-back, les scènes de rêve, la toute fin qui montre une émission de radio...), ce soin apporté à chaque détail : tout fait Cinéma, avec un grand C. Scorsese est un des derniers à faire ainsi confiance aux vertus chamaniques et nostalgiques du cinéma, et ressuscite en un seul film les élans d'un Kazan ou d'un Leone. Du classicisme comme on l'aime, aucun doute. (Gols 19/10/23)

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On est indéniablement dans l'ample fresque, Scorsese se donnant tous les moyens (sur la longueur pour le moins) pour qu'on adhère et qu'on imprime cette page guère glorieuse (comme toutes les autres ?) de l'Histoire des États-Unis : même quand les indiens parviennent à tirer profit de leur terre, même quand les blancs doivent se "rabaisser" pour leur plaire (et se marier à cette autre "race" - terribles petits commentaires méprisants de De Niro), ces pauvres indiens sont voués à finir vaincus, exterminés... La morale de l'Histoire, en effet, on la connaît d'avance, mais Scorsese parvient à travers ce récit, comme d'habitude, à traiter deux grandes thématiques qui lui tiennent à coeur : la violence et la rédemption (éventuelle...) de l'un de ses personnages... Niveau violence, on n'est ici pas si loin des Affranchis : un parrain (De Niro - sur du velours même s'il prend la tronche d'un émoticône triste tout du long ; Di Caprio n'est pas en reste en terme de bouche torve, poussant en effet l'affaissement de son visage de façon brandonnesque dans la dernière partie...), des intermédiaires, des exécutants plus ou moins malins, plus ou moins violents, plus ou moins professionnels... Des exécutions sommaires, propres, sales aussi, parfois, on en aura notre lot, et on reconnaît la patte du Martin devant ces coups de feu qui claquent soudainement et ces corps qui s'effondrent avant même d'avoir prononcé la fin de leur dernière phrase. Un obstacle, quel qu'il soit, est fait pour être éliminé ; il suffit juste d'un hochement de tête complice, d'un intermédiaire obéissant, d'un assassin sans remord. Et pan ! Un obstacle ? Plus d'obstacle. Les cadavres de blancs et surtout d'indiens s'amoncèlent, personne ne pipe vraiment mot, ne se révolte ouvertement, la loi de la jungle et la loi du pouvoir local se rejoignant dans le même homme (De Niro, parrain de l'ombre et shérif du comté : il dit, on fait, on se tait). Cette mise en scène de la violence, on a beau dire, c'est du Scorsese pur, brut, et après chaque coup du feu qui résonne sèchement on entendrait presque la voix toute aussi sèche du maestro - coupez. Next. Pas énormément d'action, au final, mais des épisodes de violence, sans fioritures, radicaux, sans acharnement, qui se révèlent du même coup encore plus parlant.

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Bon. Et puis il y a donc ce personnage de Di Caprio. Un idiot, qui revient de la guerre, un type un peu paumé, mais qui sait lire, quand même, et qui n'est pas totalement dénué d'empathie ou d'affect... C'est forcément la personne rêvée pour son oncle De Niro : il est à l'écoute, il fait ce qu'on lui dit sans trop réfléchir, il obéit sans jamais demander son reste, sans jamais rien remettre en cause. Il est sous les ordres du tout puissant De Niro et tant qu'il peut, a minima, vivre paisiblement auprès de sa brune, de ses enfants, tout lui va... Il n'est pas totalement débile non plus, il sait les sommes d'argent qu'il y a en jeu, mais tant que son oncle ordonne, son aveuglement demeure sur sa propre responsabilité, sur les horreurs qu'il commet, qu'il demande de commettre, sur sa propre amoralité... Il faudra, comme dans les Affranchis, l'arrivée du FBI pour rabattre les cartes... Di Caprio, enfin confronté à ses actes, a encore une carte de sortie possible : tout mettre sur le dos de son oncle pour se blanchir (...), pour espérer racheter ses fautes, ses pêchés... Toute la question est en effet de savoir, chez cet homme qui est enfin face à sa propre conscience, jusqu'où peut aller le rachat, le pardon... C'est là en effet tout le petit côté tortueux du récit de Scorsese : les coupables "de fond", on les connaît, de de Niro à ces pontes du pétrole, en passant par toute cette clique de blancs qui ont pignon sur rue (des docteurs véreux aux avocats véreux)... Mais lui, Di Caprio, lui l'homme faible, lui, l'homme aimant (malgré tout), lui l'intermédiaire sommaire, jusqu'où sera-t-il capable de se remettre en cause... C'est cette éternelle crise de conscience, cette éternelle tempête sous le crâne d'un homme, qui semble intéresser Scorsese au plus haut point, ce dernier ménageant jusqu'au bout ses effets, son couperet ou son pardon...

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C'est du classique de chez classique (on appréciera tout de même au passage en sage esthète les savants mouvements de caméra qui serpentent dans les chaumières et l'utilisation planante (avec parcimonie) des drones), sans, comme le notait Gols, grande montée en puissance ultra lyrique, sans séquence d'anthologie, sans discussion qui part totalement en vrille (les discussions entre Di Caprio et De Niro se font mezza voce, mais ce sens de la mesure convient bien au teint du film) mais avec, au sein même de cette fresque copieusement reconstituée, l'histoire d'un homme, comme d'hab, face à lui-même et dont les multiples faiblesses ne peuvent en rien servir d'excuse suprême. Du bel art, fleuri et lunaire. (Shang 03/11/23)

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Commentaires
O
Pas bon, ce film. Écrasé par le verbiage, la prolixité et les tics usés jusqu’à la corde* de son auteur après un premier acte assez joli (oui, oui !) où l’on s’amuse de Di Cap’ et Gladstone comptant fleurette ou de Bob DN persiflant en soliloquant. <br /> <br /> <br /> <br /> *Gols évoque « l’abandon de ses acrobaties et prouesses passées pour nous livrer un film d'un classicisme délicieux » alors qu’en fait, on se farcit 5 ou 6 fois le même travelling-balayeur bidon, s’intercalant (toujours de façon très voyante, grossière et gratuite) entre une série de personnages ou alors entre une commode, un bouton de porte et un canapé pour faire « plan subjectif ». Les mêmes flashbacks faussement malins, narrés/illustrés au marteau piqueur, parfois en mode « repeat/alt. », comme si nous étions le public cacochyme d’un hospice à Brive-la-Gaillarde. <br /> <br /> Rien n’a bougé depuis Goodfellas… la barbe.
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M
Nope. <br /> <br /> No comment de ma part sur ce film que je ne verrai pas. <br /> <br /> Disons simplement que 3h30 de film est le signe clinique patent d'une longue maladie neurodégénérative de son auteur.<br /> <br /> A l'instar des cow boys massacreurs d'Indiens, la filmographie de ce misérable cinéaste aura massacré et lobotomisé une part non négligeable de la jeunesse cinéphile(sic) pendant 4 ou 5 décennies (les enthousiasmes de nos amis de la Shangolerie en sont la démonstration ). <br /> <br /> L'ex-futur séminariste oscarisé pourra toujours se flageller au fond de sa tombe, le Mal est fait. <br /> <br /> Qu'il aille en enfer.
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