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1 novembre 2023

Fremont (2023) de Babak Jalali

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Voilà le genre de petit film venu de nulle part qui fait notre joie : un réalisateur iranien s'intéresse au parcours d'une afghane (évacuée de son pays après avoir travaillé comme traductrice au service de l'armée américaine) qui part travailler à Los Angeles chez des Chinois... On pourrait déjà s'alarmer de voir autant de mélanges (cela sent le film du monde à la sauce ricaine ? hum hum) mais Jalali sait suffisamment bien "cadrer" son histoire pour qu'on s'intéresse à cette anti-héroïne un peu perdue... Oui, il est d'abord ici question de style : un noir et blanc soigné, des premiers plans très nets (et un arrière-fond souvent flou), des plans généralement fixes (cela fait plaisir de voir que certains cinéastes prennent encore la peine d'acheter des pieds de caméra), très frontaux... On se dit, au départ, que Jalali prend le risque de faire une œuvre un peu trop empesée, trop stylisée pour insuffler un minimum de vie dans ses personnages... Et ce d'autant, à première vue, que son héroïne est loin d'avoir une vie trépidante : elle fabrique pour des Chinois ces fameux "fortune cookies" avant d'écrire elle-même ces fameuses petites formules du destin ; autant dire, qu'à la filmer au travail, on n'est pas vraiment dans l'action... Comme elle vit seule, que sa vie est rythmée uniquement par les visites chez un psy (morose, le gars), on se prépare indéniablement à une certaine chienlit... Et puis, et puis, charmé par ces petits ajouts musicaux à la Jarmush, charmé surtout progressivement par cette héroïne, très sage, très humble, qui aimerait sortir de sa coquille (elle place dans un cookie son numéro de téléphone... une façon de forcer enfin le destin...), on se prend au jeu de ce personnage qui tente de trouver sa place, de croire à quelque chose... Comme le dit son psy, un bateau est plus en sécurité au port mais ne sert pas à grand-chose. Elle va elle aussi essayer de sortir de sa zone de confort, encouragée par son amie du taff, son voisin de palier afghan ou encore ce vieil homme qui tient le restaurant qu'elle fréquente quotidiennement - et son psy... Un léger suspense (on est dans le film de peu...) se met en place lorsque l'on voit ces personnes qui, au restaurant, les unes après les autres, lisent ce petit texte abscons trouvé dans leur cookie... Qui va tomber sur le numéro de téléphone de notre afghane ? Ce sera une surprise (pour le coup) qui débouchera sur un troublant enchaînement de hasards...

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C'est serein, paisible, d'un calme olympien mais on prend de plus en plus plaisir à admirer à la fois cette forme et cette héroïne très posées... On attend impatiemment le petit coup de baguette magique pour que l'histoire, doucettement, sorte enfin de son ornière, de son train-train, pour que cette petite moue constamment déceptive de cette héroïne à jamais exilée dérive enfin vers un semblant de sourire. Jalali réussit à vraiment donner du relief, du poids, à son personnage principal en évitant justement tout stéréotype bêta... On s'attacherait presque à ce psy aux allures de Droopy (mais un Droopy à l'écoute), à ce gérant Chinois qui ne cherche jamais à juger à la va vite son employée, à ce vieux restaurateur qui s'accroche à ses murs... On sent qu'on ne va pas assister à un tsunami d'émotions, à une cascade à la Bébel, mais qu'on risque simplement, au final, de se faire cueillir par ce récit d'une simplicité déroutante - et qui laisse constamment la porte ouverte à un éventuel et inattendu début d'embryon de romance... Sait-on jamais... On ressort de ce Fremont tout frémissant, content d'avoir découvert à la fois un nouveau visage et un cinéaste qui a su, avec une belle économie de moyens, nous entraîner totalement dans son charmant récit. Baba(k).

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