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4 octobre 2023

Le Procès Goldman (2023) de Cédric Kahn

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Kahn, rigoureux et concentré pleinement sur son sujet, livre, en format 4:3 (mettant les protagonistes au centre de l'écran sans chichis ni falbalas) un compte rendu précis et judicieux de ce procés retentissant des années 70. Pas de coups d'éclat, de révélations particulières, juste une volonté de mettre en scène le radical Goldman face à ses juges et défendu tant bien que mal par un Kiejman ayant toute les peines du monde à contrôler son client, véritable lion dans son box. Des braquages, Goldman a reconnu en avoir fait trois mais point le quatrième durant lequel deux pharmaciennes furent tuées et deux quidams blessés par balle. Oui, il a déconné, oui il s'est emparré de cet argent facile pour des besoins personnels, non il n'est pas un assassin. Pourquoi ? Parce que... Il y a des témoins un peu brouillons qui l'ont vu s'enfuir, mais il n'y a jamais eu de preuves matérielles concrètes pour le confondre... Il faut donc compter sur l'art de la parole des uns et des autres pour tenter d'enfoncer ce bouffeur de flics (tous des racistes ! sans exception - on sent que les concours de recrutement ont vachement évolué depuis... Pardon ?) ou de défendre ce fou-furieux bourré autant de convictions que de maladresses.

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Pas de musique (malgré la présence d'un Jean-Jacques assis tout quetou dans l'assistance... c'est son demi-frère, le Pierre), une photo et des costumes à l'esthétique très vintage (les seventies, la décennie où toutes les couleurs étaient dégueulasses), quelques petits effets fugaces de cadrage (des champs / contre-champs dans le même plan, notamment lorsque le père ou l'amante du Pierre parle (ce dernier apparaît dans un coin de l'image alors qu'il devrait être logiquement hors-champs - c'est un peu fastidieux de rendre compte de cette petite idée de mise en scène, vous verrez par vous-même : cela permet de brouiller un peu les repères de la salle d'audience et de se focaliser sur les personnages secondaires suspendus aux lèvres - bavardes - du Pierre), et un montage très tonique (Yann Dédet, l'éternel) qui permet de mettre joliment en valeur chacun des acteurs de ce drame : Goldman entété et incapable de ne pas dire ce qu'il ressent, Kiejman (Arthur Harrari : l'homme de tous les procès comme scénariste ou acteur en cette année 2023) en avocat apaisé et mesuré, Garraud en accusateur perfide cherchant par tous les moyens à faire sortir l'accusé de ses gonds, ou encore un juge menant sa barque avec une belle pugnacité pour tenter de faire éclater... la vérité, le tout baigné dans une ambiance chaude comme la braise avec des flics sur des charbons ardents et de jeunes communistes rouge sang tout acquis à la cause de leur champion. Kahn, intelligemment, laisse à chacun le soin de se faire une idée dans ce procès de paroles (virulentes) contre paroles ; les accusations sont parfois accablantes sans être totalement tranchantes, et l'accusé, toujours border line, de vouloir démontrer qu'il est malgré tout incapable de dépasser une certaine limite. Un procès politique dans un contexte social et racial ultra sensible, un combat de ténors du barreau pour un accusé retors et trouble. Kahn ne révolutionne pas le film de procès mais réalise, sans lasser ni enfoncer de portes ouvertes, une oeuvre remplie comme un oeuf de phéromones où l'humain (forces et faiblesses de cet être radicalisé et imprévisible), l'affectif ne sont jamais totalement absents. Un Kahn nerveux qui signe sans doute là son film le plus inspiré depuis... depuis.  (Shang - 02/10/23)

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Bah tout est dit, je n'ai plus qu'à acquiescer de concert avec mon camarade (et voisin de banc pour cette occasion). Ce film est d'une très belle sobriété, se concentrant uniquement sur la parole et ses mouvements dans l'espace. Un espace que Kahn s'évertue à brouiller effectivement. Alors que tant de films de procès mettent tous leurs efforts à toujours situer chaque protagoniste dans l'espace, celui-ci fait l'inverse, cherchant à déstabiliser son spectateur. Si bien qu'on n'arriverait pas à dessiner cette salle de tribunal, ni à vraiment placer les personnages en son sein. Tout ce qu'on voit, c'est que ça tourne autour de ce personnage étonnant, Pierre Goldman, qui par la vertu de cette belle idée de mise en scène, apparaît omnipotent dans cette histoire, à la fois face aux témoins et en surplomb, voire derrière eux comme une conscience. L'écriture privilégie l’ambiguïté vis-à-vis de cet accusé, hâbleur, incontrôlable, véhément et ambivalent. Une sorte de Bernard Tapie activiste et révolutionnaire : on est tour à tour convaincu de sa responsabilité dans les meurtres, puis convaincu du contraire. Kahn transforme ce procès en procès contre l’antisémitisme, par la force de conviction de Goldman. Alors que tous veulent ramener l'affaire à un double meurtre (y compris son avocat, pourtant juif comme lui, et qui pourrait appuyer dans ce sens), lui est convaincu qu'il est là à cause du racisme intrinsèque des flics, des témoins, et de toute la société en général. Et c'est vrai que la condescendance des témoins ou des avocats de la partie civile est parfois criante. Alors a-t-il raison, ou se cache-t-il derrière cet argument pour se donner un alibi facile ? En tout cas, le film, aidé par son esthétique très 70's, rend parfaitement l'atmosphère de ces années-là, le racisme ambiant et accepté qui régnait alors et les combats d'idéologie qui ne disent pas leur nom entre avocats. Même si l'acteur principal n'est pas toujours génial, les autres sont suffisamment bons pour donner le change, et on apprécie ce film-"documentaire" vraiment tenu et tendu.  (Gols - 04/10/23)

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Commentaires
H
Contrairement à ce qu'on dit, le cinéma américain (où tout serait, prétend-on, voué à l’action et à l’image spectaculaires) est un impénitent bavard, et je ne citerai à l'appui de cela que les premiers exemples qui me viennent à l'esprit : certes Harpo est muet, mais Groucho compense largement son silence par son absurde faconde (et Chico est loin d'être en reste) ; le discours final de Chaplin à la fin du 'Dictateur' reste à mes yeux l’usage le plus impressionnant et le plus émouvant de la parole dont le cinéma a été capable (un an auparavant, le marathon verbal de James Stewart à la fin de ‘Mister Smith au sénat’ était déjà mémorable) ; loin d'être seulement le grand imagier/artificicier auquel on le réduit, Hitchcock parsème ses films de tunnels parlés d'ailleurs souvent très marquants ; et quoi qu'on pense de leurs films, Woody Allen, Scorsese et Tarantino on peu d’équivalents en termes de logorrhée cinématographique. Sans parler d’Orson Welles, de George Cukor, de Howard Hawks, de King Vidor (le discours de Gary Cooper dans ‘Le Rebelle’), j’en passe. La veine (je n’utilise pas le mot « genre » afin de ne pas me voir contredit par Cecil !) dans laquelle le cinéma américain a sans doute le plus donné libre cours à sa passion oratoire (peut-être plus encore que dans la « comédie sophistiquée »), c’est le drame juridique (dont Hitchcock tâta d’ailleurs à plusieurs reprises, entre autres dans ‘Le passé ne meurt pas’, ‘Le Procès Paradine’ et ‘La Loi du silence’— même s’il est vrai que dans ‘Frenzy’, si je me souviens bien, il ellipse les débats en plaçant sa caméra à l’extérieur du prétoire) ; à ce titre, ‘Autopsie d’un meurtre’ me semble indépassable.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis passé par cette trop longue introduction pour mieux revenir au ‘Procès Goldman’, que je suis allé voir avec quelque espoir car j’avais assez aimé, en leur temps, ‘Bar des rails’ et ‘Roberto Succo’. Eh bien cela m’a confirmé dans un pressentiment : le cinéma français, bien que censément dépositaire de toute une tradition littéraire et oratoire, est peu à l’aise dans le drame juridique. Même ‘La Vérité’ de Clouzot, qu’on cite toujours comme une grande réussite de ce point de vue, m’est toujours tombé des yeux. Une exception, mais peu vouée à constituer un modèle viable, comme les autres films de son auteur : ‘Le Procès de Jeanne d’Arc’ de Robert Bresson, film vers lequel ‘Le Procès Goldman’ lorgne d’évidence tout en n’osant jamais aller aussi loin dans la sécheresse de ton (et pour cause : modèle non viable, ai-je dit). Le film de Kahn, même lorsqu’il moque les artifices de la tragi-comédie juridique, m’a semblé à la fois théâtral et naturaliste (au mauvais sens du terme dans les deux cas), emprunté, tautologique ; d’une sobriété ostentatoire (ce qui est un comble, d’ailleurs assez répandu), appliquée et en fin de compte assez creuse, avec des partis pris de filmage confinant parfois à la bêtise (cet emploi du format 4:3, tellement schématique et si peu productif !). Jusqu’aux acteurs, qui dans leur rapport à la parole, m’ont souvent paru aux limites de la fausse note ou du déraillement, en particulier Arthur Harari ; mais même, parfois, Arieh Worthalter… À l’exception de Jerzy Radziwilowicz, impeccable.<br /> <br /> <br /> <br /> Aussi critiquables soient les partis pris de cette émission télévisée, je crois finalement avoir été plus convaincu par un ‘Faites entrer l’accusé’ qui avait été consacré à Pierre Golman ; et si c’était possible, j’aurais de loin préféré visionner la captation du procès réel, fût-ce par une caméra de surveillance sonorisée. Du coup, j’avoue que, peut-être à tort, je continue de traîner les pieds pour aller voir ‘Anatomie d’une chute’ (co-scénarisé par Harari) — et pas, faut-il le préciser, pour les mêmes raison qu’Elisabeth Borne !
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