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22 septembre 2023

Les Feuilles mortes (Kuolleet lehdet) (2023) de Aki Kaurismäki

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Kaurismäki nous revient (l'alcool conserve, il embaume) et il n'a pas changé : voilà près de deux siècles qu'il nous sert le même genre de film et son dernier film (définitivement atemporel : dans sa musique, ses décors, ses accessoires...) est une nouvelle petite merveille ; éloge de la simplicité, du minimalisme, finesse de l'humour à froid, empathie simple et sincère envers la classe ouvrière, celle de ses petites gens broyées qui résistent toujours astérixement et finnoisement, magnifique apologie d'un amour qui éclot comme deux marguerites entre deux pavés glissants. Kaurismäki, même quand il fait allusion à des œuvres récentes (The Dead don't die de son pote Jarmush : va trouver un titre, une référence plus hors du temps...) ou à des événements actuels (la guerre en Ukraine) parvient à ne jamais totalement ancrer son récit dans le présent : cette guerre sonne finalement comme toutes les autres guerres où les victimes demeurent les simples citoyens d'en-bas, ceux qui n'ont rien demandé, qui éternellement subissent, les petits. Le film, parfois, pourrait paraître presque figé (des cadres fixes, des acteurs assis, des dialogues a minima) mais parvient fantastiquement à donner du sens à chaque détail, à le rendre signifiant : les regards échangés sont lourds de sens (l'amour, impalpable de nature, le devient presque), chaque chanson, chaque parole résonne (l'ambiance est à la fête... triste - mais ce pathétisme exacerbé finit par devenir délicieusement caustique), chaque référence cinématographique renferme tout un univers, ouvre des perspectives, chaque petit dialogue qui finit par sortir entre deux shots de vodka nous fait nous esclaffer ("je déprime donc je bois donc je déprime").

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C'est zen, humain, simple et grand à la fois : la condition ouvrière finlandaise n'a pas bougé depuis Zola, l'alcool assomme toujours autant mais reste un piètre moyen d'échapper parfois à sa condition, l'amour, comme éternellement retardé par les dieux (du vent ou du chemin de fer), en devient au final que plus saisissant, salvateur. On a de la chance, encore, d'avoir ce genre de cinéaste dont le style n'est pas une posture mais permet au contraire d'être toujours au plus près d'un état d'esprit finaud, d'une intelligence de fond. Kaurismäki, avec ces feuilles mortes qui se ramassent comme ses héros à la pelle (ils chutent souvent, mais restent dignes... surtout les femmes... qui finissent par sauver les hommes), nous sert sur la pointe des pieds un nouvel opus où chaque plan, chaque lumière, chaque jeu d'acteur, reste subtilement maîtrisé et on ne peut que sortir tout chose de cet ovni d'Aki qui sait encore tout dire avec bien peu. Acquis - à sa cause.   (Shang - 12/09/23)

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Moins client pour ma part de ce film bien sous tous rapport mais qui a eu un peu de mal à me convaincre. C'est mon souci avec Kaurismäki : je trouve ça super, j'admire le savoir-faire et je vois bien la singularité du style, mais ça me touche pas du tout. Encore une fois, même effet : j'ai passé un moment pas désagréable en compagnie de ces deux déclassés un peu maladroits, un peu malchanceux, mais j'en suis ressorti en me disant que notre bon Aki était ici pris en plein exercice d'une certaine fainéantise, qui l'a poussé à reproduire sagement les motifs éternels de son cinéma sans y ajouter quoi que ce soit. Et en enlevant même un peu de talent : son scénario est quand même très très léger, puisqu'il ne montre "que" deux êtres qui pourraient tomber amoureux, mais que le sort, les petits incidents de la vie, et ce chien de destin s'évertuent à tenir séparés. Jusqu'à ce qu'ils se retrouvent, bon, ok. Je veux bien entendre que ce n'est pas le thème qui intéresse Kaurismäki ici, mais tout de même : on aurait bien aimé que le film soit guidé par une autre ambition, et ne se contente pas de nous raconter ce presque-rien là. Bon, tant pis, concentrons-nous sur le reste, l'observation drolatique de la vie terne de ces deux losers et de leurs acolytes. On apprécie, bien sûr, l'espèce de jeu atone des acteurs, leur absence d'expression qui finit par devenir marrante, le sens des situations légèrement décalées mais pas trop, les tronches rigolotes des seconds rôles, le rythme bluesy, salement déprimé mais finalement drôle. On aime tout ça, ça fait des années qu'on l'aime. A l’occasion d'un plan fixe dont il a le secret, d'un collage en porte-à-faux entre un plan général et un gros plan (le film est très bien monté), d'une ligne de dialogue absurde, on reconnaît bien que Kaurismäki est un grand, qu'il sait comme personne rendre marrants la tentation au suicide, l'alcoolisme, la solitude, les nuits errantes au karaoké ou au bar sordide du coin. Mais voilà : on l'a déjà vu, et autrement plus inspiré, que dans ce petit film trop court, sans vraie motivation, sans sommet... et qui nous laissera donc sans souvenir.   (Gols - 22/09/23)

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Commentaires
S
Je suis albigeois now... Et il y a un excellent petit cinéma qui propose des avant-premières (avant un festival du même cru d'ailleurs prochainement). Joie du retour en la terre des Lumières !
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M
Il n'est pas sorti. Où c'est que...? Comment vous...?<br /> <br /> Ils font des avant-premières dans les Dom-tom sinistrés et en Ardèche inondée-asséchée ? <br /> <br /> Pour compenser peut-être les failles de nos gouvernants ..? <br /> <br /> Un p'tit Kaurismaki, et hop, on sourit ? <br /> <br /> Eläköön Ranska ! !
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