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Shangols
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23 septembre 2023

L'Aurore (Sunrise : A Song of Two Humans) de Friedrich Wilhelm Murnau - 1927

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Je ne me lasserai jamais de revoir ce fleuron du cinéma muet qu'est Sunrise. C'est non seulement mon Murnau préféré (il se tire la bourre avec Tabou, mais tout juste), mais c'est un des plus grands films des débuts du cinéma. Toute la grammaire du cinéma y est déjà : profondeur de champs, gros plans, transparence, travellings de folie, surimpressions, fondus... Dans ce film, Murnau fait vraiment la preuve que c'est lui le grand inventeur du cinéma, point barre.

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Alors, certes le film est assez cul-bénit, très moraliste : il exalte les vertus du mariage contre les tentations de la ville et de la passion. Les liens matrimoniaux, représentés par une blonde diaphane qui ferait passer Calimero pour un skinhead, font pourtant, au final, pâle figure face à la vénéneuse brune longue et fourbe, qui fume des clopes et prend des poses à la Rita Hayworth, et représente donc la Tentation. Mais bon, on est en 1927, on ne va pas demander à Murnau de faire un éloge de l'échangisme. Le film est une pure merveille, et puis c'est tout. Murnau fait s'alterner d'un côté un univers très épuré, dans lequel on reconnaît quelques peintres classiques (à mon avis, Raphaël et Millet entre autres, mais je veux pas me mouiller), très lent, une campagne apaisée et "pabstienne" ; et de l'autre côté la fureur épileptique de la ville, la danse, la foule, les jeux, la légèreté (on assiste à une course de petit cochon qui vaut son pesant de boudin noir). Les deux parties sont pareillement fascinantes, l'une pour la grande rigueur des rythmes et le jeu impressionnant des comédiens, l'autre pour le délire baroque et le déploiement de moyens (il y a un paquet de fric là-dedans, ça éclate dans tous les plans). Que ce soit dans un simple geste (environ 8 minutes pour toucher une joue, c'est quasi-japonais) ou dans une danse endiablée, Murnau impressionne sans arrêt. C'est vraiment un maître, les enfants : il y a une idée/seconde, avec pour moi la Palme d'or pour ce plan (sur la photo) où un homme en proie aux affres de la tentation sexuelle se fait littéralement encercler par des fantasmes de femmes en surimpression. On reconnaît avec émotion quelques récurrences expressionnistes (notamment dans le décor tout en ombres aigües de la cabane du héros) qui prouvent que malgré son exil hollywoodien, Murnau reste bien un Allemand. On est touché par les personnages, par l'action et par le feu d'artifice d'invention qui jaillit de chaque plan. L'émotion est très forte. "Le plus beau film de l'histoire du cinéma", a dit Truffaut. Bien joué, François. (Gols 23/10/06)

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Revoir ce film sur grand écran avec un accompagnement "électrique" à la guitouse, ça vaut tout de même son poids en pâté de campagne. Notre Père Friedrich, ne nous soumets pas à la tentation et délivre-nous du mâle qui est en nous... Ah ça, notre homme de la campagne (un ersatz de Depardieu jeune, ça me le fait à chaque fois), il aurait mieux de manger sa soupe avec sa cuillère en bois plutôt que d'aller traquer la gorette dans les fourrés au clair de lune (le "camera work" pour suivre notre héros et la construction du plan sont un miracle en eux-mêmes - ah oui, parlez-moi de profondeur de champ, parlez m'en !!!). Tu m'aimes ? Tue ta femme ! Que c'est beau et romantique... Et est-ce que vous pensez qu'il le ferait, le bougre ? Non ? Mais bien sûr que si, c'est bête un homme quand il est pris dans le compas d'une paire de gambette (Gols évoque déjà cette scène où il se retrouve entouré par cette femme démultipliée en transparence : elle n'est pas simplement géniale, elle est d'une précision millimétrée)... Et vas-y que je m'imagine faire la bombe en ville, que je deviens le roi du pétrole avec cette donzelle au cou... Un rêve, un fantasme, puis la réalité cruelle (un meurtre, c'est bien beau, encore faut-il pouvoir supporter le regard de la future victime dans ses yeux), puis la réalité romantique (rien de mieux qu'un ptit tour en ville au bras de sa donzelle pour se refaire une santé), puis le drame, l'accident, la tragédie, l'ironie méchante de la vie, puis... Ah c'est dingue comme une barque peut décider du sort de toute une vie... Mais tout cela, c'est de la petite histoire, du récit pour enfant, heureusement que le gars Murnau, pour habiller son film, nous sert un festival d'inventions et de plans splendides...

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Tout est fantastique (notre homme, frankensteinien, quand il s'avance pour tuer sa femme... puis son amante), magnifique (cette ville totalement recréée avec ces bouts de ferraille qui trainent en l'air, cela ferait passer Métropolis pour Jouy en Josas), animalesque (rahhh ce petit cochon bourré, roohhh ce chien salvateur et prescient, ouah ce taureau aux cornes d'acier...), drôle et romantique à la fois (la séance-photo, la séance-photo mes amis !), biscornu (cette façon qu'a Murnau de pencher une table ou de surélever un plancher pour rendre son plan... vangoghesque au niveau de la perspective), tout est réussi, c'est clair et Truffaut avait bien raison et cette pauvre Jeanne Dielman peut aller se rhabiller pour l'hiver avec son gros manteau en poil de chameau, fi... Oui, c'est véritablement toute une grammaire, toute une école de cinéma, et la chose, qui va bientôt fêter ses cent ans, reste absolument merveilleuse à voir tant toutes ses audaces visuelles font encore leur petit effet (ah putain me parlez pas d'écran vert, je vais vous en mettre une) : cette barque prise dans la tempête, cette traversée de la route par nos deux amoureux à nouveau amoureux pour lequel le monde est dépeuplé et dévoituré, ces courses-poursuites menées à un train d'enfer que notre héros parte à toute jambe derrière sa promise qui lui échappe ou ce petit porcelet alcoolique (oui j'ai un faible pour...). Cela donne envie de se reprendre une petite dose du sieur (j'ai comme mon comparse un grand faible pour Tabou), mais osons l'inédit : j'ai justement en réserve deux petites choses encore point vues jusqu'alors, c'est l'occase. L'aurore, une splendeur murnéale. (Shang 23/09/23)

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Commentaires
T
Tiens je n'étais pas encore venu faire un tour dans ce fil de conversation.<br /> <br /> Du coup, le testament de M. Pump d'Hergé, faut y chercher une allusion ?<br /> <br /> Sinon j'ai moi aussi une plus grande affection encore pour City Girl, même si Sunrise est sans aucun doute plus impressionnant.
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M
Ok merci, il a bien fait de prendre un pseudo...
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C
Hélas, son vrai patronyme, oui... <br /> <br /> Mais cela n'ôte rien à son incommensurable génie. Pour ma part, je suis énormément, résolument, "City Girl".
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M
Monsieur Plumpe, c'est Murnau ?..
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M
"L'aurore" lui l'est assez peu.
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