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21 juillet 2023

Libera Me d'Alain Cavalier - 1993

Sans titredd

Le parcours de Cavalier va décidément dans une direction radicale depuis ses premiers films, allant vers l'épure totale, l'abandon d'une certaine économie du cinéma, un resserrement vers ce qui fait l’essentiel de la représentation : des cadres, quelques gestes, des émotions sur les visages de ses acteurs. Libera Me est incontestablement une étape majeure vers ce concept. Il prolonge le geste entamé avec Thérèse, radicalisant encore la forme pour arriver à quelque chose d'essentiel, et du coup de très beau : la figuration de la douleur, de la mort, du courage, de la résistance, de l'humain finalement. Voici donc un film "pauvre", qui s'est débarrassé de tout artifice qui aurait pu l'empêcher d'atteindre son but. Sans parole, sans histoire, sans décor, sans naturalisme, dans une lumière à la fois spectrale et magnifique, il s'intéresse aux visages, aux objets, dans des compositions très belles pouvant évoquer, une nouvelle fois, la peinture classique. Il "raconte" ainsi une dictature en marche, et surtout la façon qu'ont les gens de s'y opposer, avec abnégation et courage ; et du coup, la façon qu'ils ont de souffrir et de mourir.

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On tente au départ de s'accrocher à la trame, de chercher là-dedans une histoire. Mais on comprend bien vite que ce qui intéresse Cavalier, c'est la recherche de l'émotion pure, et la représentation de la mort, vaste problème posé à tout cinéaste qui se respecte. Plutôt que de tomber dans une reconstitution scolaire et fantasmée de l'époque nazie, des camps de concentration, ou de la torture en Algérie, il préfère symboliser la chose, et rendre le spectateur conscient qu'il est au cinéma, qu'il voit là une représentation de l'horreur, ne pas lui faire croire qu'il assiste réellement à de la souffrance. La mise à distance du procédé (une toile unie en fond, des plans courts et serrés, aucune profondeur de champ, des compositions de plans artificielles) induit tout de suite cette direction : on est dans le bressonisme, ce que le "non-jeu" des acteurs indique lui aussi. Autrement dit, on est appelé à opérer de la distance par rapport à ce qu'on voit. Grâce à ça, Cavalier atteint une émotion rare, en symbolisant les choses plus qu'en les montrant : suite de gestes filmés en gros plans, tous très beaux (l'héritage de la série de portraits d'artisans que le bougre réalisa juste avant) ; des visages magnifiés par la lumière, profondément humains ; quelques scènes plus abstraites pour raconter l'exécution sommaire, la peur, la douleur de perdre un être cher ; une bande-son très précise faite de souffles, de frottements, de crissements... et le tour est joué : on a là une représentation parfaite de l'horreur des guerres et des régimes totalitaires. La simplicité totale au service d'un thème irreprésentable : sublime.

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